Bled number one - (France/Algérie - 1h37) de Rabah Ameur-Zaimeche avec Meriem Serbah, Abel Jafri...

Bled number one – (France/Algérie – 1h37) de Rabah Ameur-Zaimeche avec Meriem Serbah, Abel Jafri…

Pour ceux qui n’ont pas vu le film, le titre de cette chronique peut paraître exagéré. Pourtant, Bled number one est bien un chant d’amour à la terre algérienne, au peuple algérien, avec ses propres contradictions et ses doutes. Cet attachement… (lire la suite)

Algérie je t’aime !

Pour ceux qui n’ont pas vu le film, le titre de cette chronique peut paraître exagéré. Pourtant, Bled number one est bien un chant d’amour à la terre algérienne, au peuple algérien, avec ses propres contradictions et ses doutes. Cet attachement tient à la relation privilégiée qu’entretient Rabah Ameur-Zaïmeche avec le bled, le village de ses ancêtres. Loin de l’imagerie idéalisée et de l’exotisme qu’évoque pour beaucoup le retour au monde rural arabe, le film porte sur l’Algérie contemporaine un regard neuf, réaliste et pas du tout complaisant. Kamel débarque au bled dans sa famille, il est accueilli par Bouzid, un cousin sympathique pour qui islam rime avec modernité. Au même moment, la sœur de Bouzid arrive avec son fils, mais sans son mari qu’elle veut quitter. Doucement, la chaleur et l’entente familiale s’effrite. Le film vise juste car il décrit aussi bien le mode de vie traditionnel et solidaire que la violence fondamentaliste ou les brutalités que subissent les femmes. C’est peut-être cette vue d’ensemble, cette volonté de décrire un monde sous tous ses aspects qui pourra gêner certains spectateurs pour qui le film se disperse, embrasse un territoire trop large pour lui. Toutefois, Rabah Ameur-Zaïmeche maîtrise suffisamment l’art du récit et les techniques cinématographiques pour isoler chaque « épisode » de son film et l’intégrer à une histoire plus large. Bled Number One est ainsi rythmé par de très longs fondus qui concluent les passages significatifs, et l’écran devient entièrement noir avant de nous dévoiler la suite du récit. Avec un procédé aussi simple qu’efficace, impossible de se perdre. La réussite du film tient aussi à sa nature, entre documentaire et fiction, qui rend palpable, sous l’apparence d’un naturalisme paisible, une tension constante. Les paysages du nord-est algérien offrent un décor privilégié à la quête des deux personnages principaux qui semblent prisonniers d’un cadre familial et social trop rigide. Pour eux, une seule solution : l’exil. La Tunisie sera synonyme de liberté pour lui. Pour elle, ce sera l’hôpital psychiatrique qui servira de refuge. Et c’est dans ce lieu, et au milieu de femmes, que le film nous quitte, nous offrant au passage quelques magnifiques images qui nous paraissent entièrement neuves. En forme de conclusion, une des patientes s’avance vers la caméra et lance : « Les fous sont dehors, Vive l’Algérie, vive la France ! » Il se dégage de ces moments une telle impression de justesse et de vérité qu’il nous semble que l’on vit autant le film qu’on ne le voit. Bled number one est intense, précis et souvent sensuel — certainement le film le plus excitant que nous proposent les salles marseillaises en ce moment.

nas/im