Boulevard de la mort (USA – 1h50) de Quentin Tarantino avec Kurt Russell, Rose McGowan…
La liberté rythmique avec laquelle Tarantino construit ses films s’avère de plus en plus brillante. Il imprime la pellicule avec une cadence presque désinvolte. Là où d’autres rament pour donner un minimum d’illusion quant au tempo de leurs longs métrages …
Faster Pussycat, Kill ! Kill !
La liberté rythmique avec laquelle Tarantino construit ses films s’avère de plus en plus brillante. Il imprime la pellicule avec une cadence presque désinvolte. Là où d’autres rament pour donner un minimum d’illusion quant au tempo de leurs longs métrages (Sam Raimi, pour ne citer que lui), Tarantino fait exactement ce qui lui plaît. Le deuxième volet de Kill Bill, dans le prolongement de Reservoir Dogs ou de Jackie Brown, en était déjà un bon exemple. Contrepoint total du premier épisode, Kill Bill 2 déroulait lentement son histoire. Quelques accélérations bien placées (notamment la scène de combat avec Elle Driver) avaient vite fait de nous prouver que le maestro jouait avec nous et que les climax chez lui étaient impossibles à prévoir. Boulevard de la mort va plus loin encore. Ce jubilatoire Mad Max tarantinesque prend son temps. Il n’y a qu’un semblant d’histoire, beaucoup de dialogues qui ne mènent nulle part et des personnages (beaucoup de personnages) plus jouissifs les uns que les autres — mention spéciale à Kurt Russel, rarement aussi bon et drôle. Et puis d’un coup, alors qu’on n’attend plus rien, qu’on est encore déroutés, alors qu’on pense s’être fait de fausses idées, ça démarre. Plans secs, dilatation, vitesse. Jeux multiples avec les codes, impulsivité de la caméra… On est bluffés et on en redemande. La fin nous donnera de quoi… Une des autres qualités du cinéaste réside dans la capacité à puiser, là aussi remarquablement, dans le « réservoir » infini d’images qu’est le cinéma. Ici, outre à l’incontournable Russ Meyer, on songe à toute la production de nanars mexicano-philippino-américains qui ont fait les beaux jours de la Sexploitation (1). Le grain de la péloche, la photographie (signée Tarantino himself) équivalente à celle d’un petit budget, le travail sur le son… : tout confère à nous plonger dans l’univers merveilleux des 70’s. Notons que le jeu d’une des actrices ira jusqu’à reprendre les mimiques de la légendaire Pam Grier… Au final, confirmant une nouvelle fois que Tarentino est l’un des meilleurs auteurs d’aujourd’hui, ce Boulevard de la mort est une bombe qui grise littéralement et qui enthousiasme même les plus blasés.
Lionel Vicari
(1) Big Doll House, Big Bird Cage, Women in Cages par exemple.