BUBBLE – (USA – 1h13) de Steven Soderbergh avec Debbie Doebereiner, Dustin Ashley, Misty Wilkins
Après quelques errements (Traffic, Ocean’s Twelve), quelques égarements (Erin Brockovich, Ocean’s Eleven), un non-film (Full Frontal) et un chef-d’œuvre (Solaris), Steven Soderbergh… (lire la suite)
Objectif…
Après quelques errements (Traffic, Ocean’s Twelve), quelques égarements (Erin Brockovich, Ocean’s Eleven), un non-film (Full Frontal) et un chef-d’œuvre (Solaris), Steven Soderbergh, cinéaste dézoné, revient à ses premières amours et premières tendances : l’indépendant expérimental. Bubble (on reste circonspect quant à l’interprétation du titre) est quasiment un moyen métrage (une heure dix) qui intrigue fortement puis « désintrigue » tout aussi fortement dans sa dernière partie. Dans un premier temps, le traitement objectif (rapport systématique entre Martha et Kyle, fabrication à la chaîne de poupées en plastique mou) et distant de l’histoire surprend. Tout y est froidement présenté comme un état de fait vis-à-vis duquel on ne peut rien. Une admission résignée en quelque sorte où le moindre événement (notamment l’arrivée de Rose), même banal, éblouit et tranche avec la monotonie ambiante. Et le spectateur, sans le désirer, rejoint cette donne. Il éprouve une curieuse proximité avec ces « gens », avec cette Amérique « d’en bas ». Puis, dans un deuxième temps, le temps du basculement, celui où les poupées se déforment, Soderbergh n’embraye pas. Volontairement, il conserve son parti pris d’observateur alors qu’il faudrait un supplément d’âme pour donner entièrement corps à ce projet. Mais dire cela est un constat pervers dans le sens où nous sommes tellement habitués à une gradation au cœur des péripéties — qu’elles soient cinématographiques, théâtrales ou littéraires — qu’une absence pleinement assumée décontenance. Donc, cette intention de ne pas s’appesantir sur les états d’âme, cette façon de ne pas nous donner les clefs contrebalance totalement nos habitudes et laisse perplexe. Parallèlement, cette contrainte que s’est imposée Soderbergh, aussi louable soit-elle si l’on se place dans une perspective de déstructuration des bases classiques du drame, n’est pas satisfaisante. Il renverse la vapeur à un point tel que son film chavire dans l’excès inverse. Trop de sentimentalisme tue une quelconque crédibilité. Néanmoins, une inexistence de liens directs avec la réalité — pour une tentative qui plus est proche d’une sorte de néo-réalisme — anéantit tout autant l’essai filmique. Bubble n’est en définitive qu’une bulle qui flotte un peu puis se crève brusquement.
Lionel Vicari