Repaire Noël

 

Les fêtes de fin d’année approchent à grands pas et vous êtes en panne d’inspiration pour vos cadeaux ? Pas de panique, Ventilo a déniché pour vous Cultures Obliques, le nouveau temple pour tous les amoureux des livres, des arts et de la musique, où vous trouverez forcément de quoi réjouir vos proches.

 

 

Ouverte en février 2022 en plein cœur du sixième arrondissement, la « librairie-disquerie » Cultures Obliques est tenue par Dom, quarante-deux ans, dont presque la moitié passée en tant que libraire, toujours à Marseille. Casquette béret vissée sur la tête et franc-parler au débit mitraillette, l’hôte des lieux a la passion communicative. Il a découvert la littérature à l’adolescence, avec, entre autres, les auteurs de la Beat Generation, Burroughs ou Kerouac ; d’anticipation comme Philip K. Dick, J. G. Ballard et consorts ; ou côté français, les surréalistes, André Breton en tête. Mais il n’y a pas eu que la littérature dans sa vie, loin de là ! Côté arts, il a une accointance avec la pop culture, comme le tatouage et le street art, mais aussi avec la mode, des stylistes reconnus au vintage américain et anglais des années 1950 jusqu’aux seventies.

Quel est le lien avec Culture Obliques, nous direz-vous ? Mais la musique, très cher lecteur. Une passion que ce collectionneur de disques de toujours — « Chez moi, j’en ai beaucoup plus que dans le magasin » — qualifie d’« hystérisante ». Il a, à l’instar de la littérature et des arts, une prédilection pour tout ce qui est alternatif, du rockabilly à la cold wave, en passant par le punk, le metal ou le rocksteady. 
C’est après la pandémie et les différents confinements que Dom décide d’assouvir le « rêve » qu’il a toujours eu en tête. « Le Covid a été un facteur déclencheur “négatif”. Je me suis dit que c’était le moment d’arrêter de travailler dans des structures classiques et de monter mon propre lieu, qui reflète tout ce que j’aime. »

Tout s’est ensuite mis en place très rapidement, et Cultures Obliques est né. Et pourquoi ce nom ?

« Le pluriel de Cultures, c’est pour le côté pluridisciplinaire, “sans frontières” dans tous les sens du terme. Éclectique, mais toujours qualitatif », précise-t-il. C’est vrai qu’en plus des livres et des disques, on y trouve des témoignages de la culture de tous les continents, des disques de reggae jamaïcain aux livres de cuisine des pays de l’Est, en passant par ce rayon thématique sur le Japon qui mêle littérature, mangas adultes, ouvrages sur l’art traditionnel des estampes ou sur la photographie contemporaine.

« Obliques, c’est pour ce croisement des univers. Et aussi, pour le côté décalé. (…) Je voulais proposer une sélection exigeante et en même temps ouverte, insiste-t-il sur ce dernier terme, pour ne surtout pas faire un club réservé qu’aux happy few. Pour que le lecteur occasionnel puisse y trouver le dernier Sylvain Tesson ou des livres de mode, comme ceux de la collection “Défilés” des Éditions La Martinière. » Et c’est aussi pour cette ouverture qu’il a décidé de s’installer dans la petite rue Édouard Delanglade : « Je voulais éviter des quartiers comme le cours Ju, où il y a déjà beaucoup de propositions culturelles, être un peu à l’écart, tout en restant en hypercentre. »

Et pourquoi se présente-t-il comme une « disquerie avisée » ? Il nous répond tout de go : « C’est toujours pour ce côté commerce de proximité. Je ne suis pas disquaire, il y en déjà de nombreux et de très bons sur Marseille. » Modeste, car le lieu présente une offre particulièrement riche, essentiellement des vinyles neufs, dont de nombreux imports comme ceux des labels défricheurs Light in the Attic, Sacred Bones Records ou Damaged Goods. Et pour les Français, les catalogues des fameux Born Bad ou des plus confidentiels bordelais de Talitres.
Les livres ne sont pas en reste. Dom est bien conscient qu’il faut défendre les éditeurs : des plus installés comme Séguier ou Christian Bourgois, « des éditeurs importants et exigeants, qu’on ne trouve malheureusement plus tant que ça… », ou, côté art, des incontournables Taschen et Phaidon. On y trouve même « un rayon de très (très) beaux livres neufs, à prix obliques », des ouvrages triés sur le volet sur la photographie et le graphisme, déstockés par des éditeurs étrangers.
Mais le travail d’un libraire, c’est aussi la mise en avant de microstructures, comme les éditions Noire Méduse, auprès de qui Dom commande en direct les ouvrages, dont une magnifique monographie consacrée à Jean-Luc Navette, « tatoueur lyonnais qui s’est tourné depuis quelques années vers le graphisme et le dessin. » Impliqué auprès des éditeurs, Dom l’est d’autant plus qu’il a été directeur de collections de livres sur la musique, chez les éditions du Camion Blanc notamment. Il continue cette activité, fort logiquement sous le nom de Cultures Obliques, avec au compteur déjà quatre livres, dont une somme sur le groupe belge Front 242, pionniers de l’électronique indus.

On retrouve alors un dynamisme insatiable dans la « politique d’animation » de Cultures Obliques. Avec, au minimum, une nocturne par mois, jusqu’à 23 heures, voire minuit suivant l’affluence. L’apéro y est offert. C’est la formule qui a donné lieu à la première soirée musicale, menée par le Dj anglais Zeeroy et sa sélection de vinyles originaux de rocksteady. Ensuite, s’y est organisée une rencontre, autour de la collection Equinox des éditions Les Arènes, durant laquelle étaient conviés l’éditeur Aurélien Masson et trois de ses auteurs, dont Bérengère de Montalier, l’autrice du polar marseillais Quartiers sud.

Côté projets, on n’en manque pas non plus. En plus d’un espace qui sera aménagé dès janvier pour y proposer de petites expositions, une soirée est d’ores et déjà prévue le mois prochain pour la sortie du nouvel ouvrage de l’auteur de polar DOA (le nom de plume d’Hervé Albertazzi). Et à la manière de la récente collaboration avec le cinéma indépendant La Baleine pour le cycle de projections autour du cinéaste et musicien F. J. Ossang, d’autres événements hors-les-murs verront le jour bientôt, certainement en accompagnement de concerts à venir.

Alors pour ceux qui penseraient encore que Marseille est un désert culturel, la vitalité des librairies à Marseille — avec plusieurs ouvertures ces derniers mois, dont Cultures Obliques fait un bel exemple — devrait leur clouer le bec. Et Dom de rajouter : « À Marseille, il se passe énormément de choses au niveau culturel, mais souvent ce sont des événements soit très grand public ou bien très souterrains. Il manque un entre-deux. Et moi j’ai des velléités pour me loger dans cet entre-deux : alternatif mais ouvert ! » C’est tout le mal qu’on lui souhaite !

 

JP Soares

 

Culture Obliques : 6 rue Édouard Delanglade, 13006 Marseille

Rens. : 07 67 96 03 40 / www.culturesobliques.com