Ça planche 216

Ça planche 216

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Blanc
_D’Emmanuelle Marie par Isabelle Carré et Léa Drucker (mise en scène : Zabou Breitman)
Tandis que leur mère vit ses derniers instants, deux sœurs, peu préparées à la situation, se retrouvent dans sa maison. Dans la cuisine, elles épluchent des légumes, boivent du thé, roulent des clopes, mangent des religieuses au chocolat… Et se découvrent enfin : elles se disent tout ce qu’elles ne se sont jamais avoué, les blessures comme les heureux souvenirs, les déceptions comme les espoirs, des banalités aussi. Presque à leur insu, ce dialogue leur permettra de repartir dans la vie avec de nouvelles armes, de faire triompher le « blanc » au détriment du côté obscur. Mis en scène par Zabou Breitman, le huis clos familial d’Emmanuelle Marie trouve ici un nouveau souffle. Admirablement épaulée (notamment par Jean-Marc Stehlé, dont les décors sont superbes), la cinéaste joue avec les lumières, les images et la musique, et, surtout, donne le temps à ses deux comédiennes de révéler l’émotion du texte, sans jamais tomber dans le pathos. Au final, un spectacle intimiste et lumineux.
_Jusqu’au 1/03 au Théâtre du Gymnase

Libertivore
_Par la Cie Libertivore
Dualité des êtres et des corps : un homme assis, une femme suspendue. Solitude à deux, sur scène, ou bien espace commun à interpréter librement ? Créée en 2005, la compagnie Libertivore est le fruit de la rencontre entre Jules Beckman et Fanny Soriano. Lui est un performer multidisciplinaire d’origine américaine, travaillant depuis vingt ans dans les milieux de l’underground liés à la danse et au cirque. Elle est artiste de cirque et développe une approche nouvelle des techniques aériennes, élaborant un répertoire personnel et original à la corde lisse. Sur scène, il est un homme-orchestre assis, et elle, une femme mouvante, sur sa corde lisse et sa branche suspendue. Du choc des êtres et des attitudes découle une représentation de la différence, mais aussi de la complicité. Suspendue, dessinant des figures dans l’espace, à côté de lui assis : ils interprètent le poème physique d’une rencontre, sur le mode poétique. Un tête-à-tête sur l’amour, empruntant à l’inconscient et à la poésie, signé par un duel-duo décidément amoureux.
_Le 27 au Théâtre Comœdia (Aubagne)

Le Boucher
_D’Alina Reyes par le Collectif TIF
Comme son titre l’indique, Le boucher est un roman qui célèbre la chair. Métaphoriquement, le boucher, homme cruel et sanguinaire, est en fait ce professionnel de la « viande » qui sait reconnaître les bons et les mauvais morceaux. De la chair morte (la viande) à la chair vivante (l’amour, le sexe), il n’y a qu’un pas, que les deux « héros » du premier ouvrage d’Alina Reyes franchissent ensemble, ses mots à lui suscitant son désir à elle, leurs sens exacerbés dans une mise en scène du fantasme où se mélangent, sans vulgarité, l’odeur du sexe et les effluves douceâtres de la viande crue. Pour figurer ce parcours initiatique d’un érotisme intense où « la femme devient le véritable sujet de son désir », le collectif TIF (pour Théâtre Interventionniste Festif) s’appuie sur une mise en scène précise et sobre (à l’instar des décors), qui fait la part belle au verbe. Attention : si le propos en question n’a rien de graveleux, la pièce est toutefois déconseillée aux moins de seize ans.
_Du 29/02 au 9/03 au Théâtre du Têtard

Avant-première
_De Bruno Deleu par la Cie Le Souffle
Rompre la distance habituelle et le rapport traditionnel spectateur/acteur, autrement dit faire partager l’expérience même du théâtre au public est un projet qui tient à cœur à Bruno Deleu. Déjà dans Coulisses, Le Souffle proposait une visite de l’envers du décor. Avec Avant-première, la compagnie marseillaise invite directement les spectateurs à participer à l’activité créatrice. Il s’agit ici d’aider Jean Félix Dupuy Valin, metteur en scène de son état, à monter Le songe d’une nuit d’été de Shakespeare. Suite à un problème de transport, notre homme se retrouve en effet sans décors, costumes, ni… comédiens ! Pris à parti et impliqué dans les décisions et choix qui s’imposent, littéralement plongé dans l’effervescence liée à toute création artistique, le public va vivre en une heure l’expérience de plusieurs mois de création. Tout en restituant le lyrisme et le sens du merveilleux qui font la beauté du Songe…, Le Souffle donne une image du théâtre exigeante et accessible. Un joli pari.
_Du 4 au 8/03 au Théâtre du Gymnase

CC/BJ