Bafouilles, tu vois bien qu’on ne peut rien te raconter
_Par les Ateliers du spectacle d’après Robert Pinget & G. K. Bradcock-Burnaby
Mahu voit le monde à sa manière, façon envers du décor, avec sa doublure et ses coutures. Il est sans cesse de l’autre côté du miroir, à l’instar d’une Alice au pays des merveilles contemporaine. Ainsi s’escrime-t-il à ne pas comprendre ce que tous les autres trouvent normal. Il possède, en revanche, la délicieuse faculté de trouver naturel ce que personne ne comprend. Il est au milieu des gens et des choses comme un poisson dans l’eau, mais à contre-courant. Mahu parle donc de l’à peu près, des choses tirées par les cheveux, de la comparaison. Il dit enfin et surtout qu’on ne peut rien raconter. Après Distances, Jean-Pierre Larroche avait encore envie de traiter « le trafic invisible des faits et certains de leurs avatars burlesques. » Pour ce faire, le metteur en scène a fusionné un recueil de textes anciens (1863) de G. K. Bradcock-Burnabyen et un roman contemporain de Robert Pinget. Pour un très beau résultat, entre conte de « faits » et histoires de fantômes…
_Le 21 au Théâtre de l’Olivier (Istres) et du 27 au 31/05 au Théâtre Massalia
Mardi, Onze débardeurs et Jackets
_Trois pièces d’Edward Bond par la Cie Aurige Théâtre et le Groupe Manifeste
Mon premier oppose un jeune soldat déserteur au père de sa petite amie, incarnation de l’ordre établi. Mon deuxième, écrit à la suite d’un horrible fait divers, narre l’existence d’un jeune homme, du collège à la guerre impérialiste, et décrit en filigrane la décadence d’une société prise dans un tourbillon de violence. Mon troisième, un diptyque, propose une comparaison entre les machinations politiques dans le Japon impérial et celles de l’Angleterre d’aujourd’hui, toujours à l’aune d’une jeunesse perdue. Mon tout est un projet mené par la compagnie Aurige Théâtre et le Groupe Manifeste sous la houlette de Francine Eymery, qui se poursuivra jusqu’en 2009. Soit trois pièces de réflexion sur l’apprentissage du monde et de la vie signées par l’un des plus grands dramaturges contemporains, selon lequel « être humain n’est pas instinctif, c’est une chose que l’on apprend… Nous devons élever les enfants pour la démocratie… L’art dramatique est au cœur de toute démocratie. » Dont acte.
_Jusqu’au 31/05 au Théâtre des Argonautes
Le métier de vivre
_Création d’après Cesare Pavese par la Cie l’Egrégore
Le 27 août 1950, dans une chambre d’hôtel à Turin, Cesare Pavese se donne la mort. Troisième volet du cycle « Poètes du XXe siècle en Méditerranée », Le métier de vivre retrace, en s’appuyant sur son journal intime (qui lui donne son titre), les dernières heures de la vie du romancier et poète italien. A la manière d’un enquêteur, Joëlle Cattino tente de donner des raisons à son choix de mourir. Seulement éclairé d’un filet de lumière, affalé sur un vieux canapé rouge, l’homme (Jacques Germain), pieds nus et barbe hirsute, livre ses échecs et ses espoirs, ses sentiments et ses ressentiments, essayant désespérément de donner un sens à la (sa) vie. Derrière lui, deux personnages grotesques et imprévisibles — Déo (Maurice Vinçon) et Iacchos (Ivan Romeuf), qui représentent la Terre et le vin — jouent aux philosophes, impulsant un peu de vie et une distance moqueuse dans le drame personnel qui se joue. Tous trois font revivre les mots de Pavese, redonnant quelque part vie à l’auteur lui-même.
_Jusqu’au 31/05 au Théâtre de Lenche
Confidences trop intimes
_Comédie de Jérôme Tonnerre et Patrice Leconte
Parce qu’elle se trompe de porte, Anna se retrouve à confier ses déboires conjugaux à William, un conseiller fiscal qui, troublé par la belle et touché par sa détresse, n’ose lui avouer qu’il n’a rien à voir avec la psychiatrie. Les rendez-vous et les confessions s’enchaînent, chacun se remet en question et pose un regard neuf sur sa vie, ses proches ; une étrange relation s’instaure, entre séduction et manipulation. Le vaudeville de départ se transforme en thriller sentimental, doublé d’une légère satire de la psychanalyse, où Mélanie Doutey et Jacques Gamblin reprennent avec charme et finesse les rôles incarnés par Sandrine Bonnaire et Fabrice Luchini dans le film intimiste de Patrice Leconte. En passant de l’écran à la scène, ce dernier s’octroie une certaine liberté et une simplicité qui siéent particulièrement à son sujet. Dans une mise en scène toute en retenue, il livre ainsi, avec la complicité de Jérôme Tonnerre, une bien sympathique comédie.
_Du 23 au 31/05 au Théâtre du Gymnase
CC/HS