Du malheur d’avoir de l’esprit, drame d’Alexandre Griboïedov
Les trois petits cochons, création par le Badaboum Théâtre
Quartett, drame d’Heiner Müller
Diplomatic, exil théâtral de la rue à la scène par le Collectif Tif
Du malheur d’avoir de l’esprit
_Drame d’Alexandre Griboïedov
Interdite en 1825 à cause de la violence de ses propos contre les courtisans, la pièce d’Alexandre Griboïedov est symbolique de la littérature russe du XIXe siècle et caractéristique d’une grande époque intellectuelle, entre exaltation lyrique et insoumission. Considéré comme fou par les autres, revendiquant à la fois la liberté d’esprit, les idées nouvelles et la force de l’amour, le héros Tchatski cristallise l’état d’âme prérévolutionnaire : celui d’un rebelle passionné qui remet en cause la société aristocratique, mais aussi celui d’un homme désespéré par la condition humaine coincée dans ses bassesses (hypocrisie, recherche de l’ordre militaire, soumission à l’autorité…). Servie par des décors sobres et une distribution à l’avenant (mention spéciale à la belle prestation de Philippe Torreton et au dynamisme de Chloé Réjon), la mise en scène de Jean-Louis Benoit, pas très novatrice mais d’excellente facture, offre à cette réflexion sur la nature de l’homme et sa place dans la société un souffle nouveau, empreint d’ironie et de colère.
_Jusqu’au 10 à la Criée
Les trois petits cochons
_Création par le Badaboum Théâtre
Comme tous les contes, l’histoire des Trois petits cochons est à tiroirs. Aussi, tout en gardant les bases du conte issu du folklore anglo-saxon — les porcins aspirent toujours à construire une maison qui les protégera du grand méchant Loup —, la troupe du Badaboum Théâtre a pris la liberté de donner sa version des faits, façon triptyque. Chacun défendra donc son histoire, son personnage et son univers. Dans la première partie, Les trois poulettes, la terre est diluée à l’eau, premier signe d’une souillure inattendue qui porte déjà les prémices de l’insupportable. Dans un deuxième temps, Les trois petites maisons, la terre évolue alors en boue. Le conte final, celui de La treue, en vieux français, plus cru, met en scène un jars, un coq, une truie et un loup ivrogne. L’innocence et la sauvagerie s’uniront in fine dans un combat virtuose, dont le loup sortira calciné, dans une barrique. Bref, nous ne sommes plus chez Disney et on s’en félicite !
_Jusqu’au 27/06 au Badaboum Théâtre
Quartett
_Drame d’Heiner Müller
Devant une grande toile peinte, dans un antre à mi-chemin entre « un salon d’avant la Révolution française » et « un bunker d’après la troisième guerre mondiale » (selon les souhaits de Müller lui-même), cinq personnages entrent à tour de rôle. Un vieillard en longue chemise blanche — double ricanant de l’auteur, bien qu’absent du texte de Müller — et deux jeunes danseurs filiformes précèdent le couple Merteuil/Valmont, qui va sceller le tragique destin de ce quartette particulier. Entre elle (Isabelle Huppert), fourreau violet et coiffe punk, et lui (Ariel García Valdés), tout de rouge sang vêtu, va se jouer un cruel affrontement — à la fois duel passionné de deux êtres convaincus que le sexe est un rempart aux sentiments et joute verbale qui tourne au jeu de massacre… Plus qu’un exercice de variations autour d’un texte, Quartett est un condensé fiévreux et tranchant des Liaisons dangereuses de Laclos. L’immense Bob Wilson en a fait un spectacle intense et détonnant, une expérience de théâtre unique.
_Du 7 au 14 au Gymnase
Diplomatic
_Exil théâtral de la rue à la scène par le Collectif Tif
Chargés de leurs immenses sacs, quatre personnages partent en exil vers un pays où l’on dit qu’il fait bon vivre. Quatre prétendants à « l’occidentalisation » prêt à tout braver dans l’espoir d’une vie meilleure. Le voyage sera dur et dangereux, l’arrivée en terre promise et la réalité ne le seront pas moins. Restent la musique et le chant, rares et précieux moments d’évasion de ce long exode. Satyre onirique d’un monde où les exilés doivent montrer patte blanche pour échanger leur misère contre une autre, Diplomatic — comme la valise en plastique, dérisoire et massive, symbole de la migration — n’épargne rien ni personne. Même le spectateur sera pris à partie au moment décisif où il devra choisir, grâce au vote démocratique façon télé-réalité, s’il accepte ou non ces naufragés dans « son beau pays ». Un sujet dur, mais traité avec poésie et humour par l’impayable Collectif T.I.F, qui jouera deux versions sa dernière création, d’abord en extérieur à l’occasion du festival du Soleil, puis intra muros la semaine prochaine au Daki Ling.
_Le 8 à la Place des Escaliers dans le cadre du Festival du Soleil et du 14 au 16 au Daki Ling
CC/HS