Gens de Séoul 1919
L’inattendu
La poupée Scoubidou
A la vie
Gens de Séoul 1919
_D’Oriza Hirata par le Théâtre de Ajmer
Gens de Séoul 1919 forme le deuxième projet « asiatique » de Franck Dimech. Le metteur en scène s’y frotte à l’écriture du Japonais Oriza Hirata dans une pièce toute en confrontations et en décalages : entre les spectateurs occidentaux que nous sommes et l’Histoire du Japon, ses codes culturels, esthétiques ; entre domestiques coréens et riches colons japonais dont les intérêts divergent forcément ; enfin, parmi ces derniers, entre un « grand frère » garant d’un certain ordre et une « petite sœur » perdue sur la voie de l’émancipation. Hirata nous immerge dans un univers où l’arrière-fond, grave et politique (l’insurrection coréenne gronde et son issue sera dramatique), est sans cesse court-circuité par des situations et une écriture dont l’humour tend résolument vers l’absurde. Après la lecture publique du texte en juin dernier, Dimech souhaitait bizarrement parvenir ici à un « résultat moins drôle mais plus obscène ». Il semble pourtant que là où le théâtre d’Hirata opère le plus efficacement, c’est dans l’interaction de ces deux qualificatifs.
_Jusqu’au 13 à la Criée dans le cadre du festival actOral.6
L’inattendu
_De Fabrice Melquiot par la Cie des Pas Sages
Liane est seule, elle a perdu l’être aimé, se dit veuve et en porte la couleur, noire. Son long monologue, décliné essentiellement sur le mode du « je », s’adresse à l’absent… qui dépose régulièrement des flacons colorés au pied du lit, comme autant de jalons dans son parcours initiatique : à chaque couleur, un souvenir révèle le passé perdu. Le texte donne alors à entendre la tristesse, la colère, le désespoir, avec des mots simples, parfois crus, souvent drôles. Liane nous parle avec émotion et truculence. Sa confession n’est pas compassion, elle devient peu à peu action. Le monde extérieur apparaît à travers des thèmes chers à l’auteur — la guerre, la mort, la misère — qui se déclinent sous forme de bruits d’armes à feu ou d’un inventaire à la Prévert. La mémoire de Liane révèle son lien avec le monde qui l’entoure. Peu à peu, elle réalise qu’attendre est vain : elle doit désormais se préparer à l’Inattendu. Voici une pièce à l’esthétique épurée, servie par une actrice donnant vie aux mots et par les irruptions d’un homme dont les mouvements font signes.
_Jusqu’au 7 au Parvis des Arts
La poupée Scoubidou
_Par le Badaboum Théâtre d’après Pierre Gripari
Dès les premières minutes, la riche et maligne mise en scène se joue de nous, histoire de déstabiliser les plus vieux réticents. Elle rend les gamins complices du spectacle, faisant accepter tout de suite l’idée qu’il y a un acteur et un décor plutôt que de tricher avec des trucs qui se voient. Pour cela, on nous montre l’envers, l’échauffement des artistes et, quitte à faire tomber les costumes, les débats autour du récit. Le résultat est « génial » — dixit un voisin de cinq ans. Les adultes se régalent de l’aspect un peu absurde de la chose, tandis que les enfants plongent pleinement, savourant l’impression qu’on ne les prend pas pour des demeurés. L’exploit est donc à la hauteur du défi : tout le monde embarque pour un tour du monde et un retour triomphal dans une ville que l’on appellerait bien Marseille. Chaque trouvaille de décoration, chaque détail de mise en scène nous fait quitter le plancher des vaches pour entrer dans de vraies histoires : celles qui font de la place aux rêves, aux souvenirs, aux intimes imaginaires.
_Du 3 au 13 au Badaboum
A la vie
_De Jean-Louis Milesi par le Collectif Gena
Adaptée du scénario du film A la vie, à la mort, co-écrit par Jean-Louis Milesi et Robert Guédiguian, cette histoire nous plonge au cœur de Marseille, dans le quartier de l’Estaque. Une tribu, dont les membres sont tous plus attachants les uns que les autres, se réunit tous les soirs dans un cabaret au bord de la mer, Le Perroquet Bleu. C’est dans ce décor typiquement méditerranéen que l’on croise des destins tourmentés : Vénus se drogue, José, Patrick et Jacquot sont chômeurs de longue durée, Marie-Sol n’arrive pas à avoir d’enfants, Papa Carlossa est immobilisé sur un fauteuil roulant et Joséfa se trouve trop vieille pour continuer les strip-teases. Le texte, truffé de générosité et d’humanité, nous montre avec quelles difficultés ces personnages tentent de (sur)vivre sans jamais tomber dans le misérabilisme ou la sensiblerie. Chaque individu est magnifiquement construit : à la fois terriblement humain et plein de théâtralité et de folie. Le collectif Gena, créé en 2006 par Julie Lucazeau, confirme ici son goût pour le théâtre contemporain et de création.
_Les 5 & 6 au Toursky
AA / CC / GJ