« Je suis l’homme qui rêve qu’il est un homme », a dit le poète. Nuit après nuit, debout, des hommes et des femmes rêvent éveillés. Ils parlent, écoutent, s’expriment librement. Surgissent des vérités et des mensonges. Des vides, des bides, des beautés. Côte à côte, je te passe le micro, je te prête l’oreille. Poliment et patiemment, chacun devise et met la sienne. Au service de tous. Libérer la parole est la première victoire des Nuits debout. Elle est partout confisquée dans l’espace public, muselée par des chiens de garde fidèles. Les lieux partagés par la parole sont rares. Le mouvement les met en bas de la rue, avec rendez-vous tous les soirs pour remettre ça. Jusqu’à quand ? Jusqu’où ? Les mots et les corps le diront. Les détracteurs voient en cette dynamique une sorte de révolution after work de jeunes bobos en manque d’aventure. Les participants sont pour le moins hétéroclites, et souvent pas d’accord. C’est son sel. Des propositions émergent telle une constituante pour changer de République et de mode de décision commun. Nuit debout répond à n’en pas douter à un vide laissé par les professionnels dépassés de la politique. Manque de sens, de solutions, de pouvoir. Puisque le chemin est sans espoir, les gens debout défrichent tous azimuts des sentiers à travers champs. On s’inquiète de savoir où ils débouchent ? Certains garderont les yeux ouverts pour le voir, d’autres ne voudront plus jamais les refermer. Les yeux clos, on avance seul dans le noir.
Victor Léo