Café In au MuCEM
Grains de folie
Marseille a toujours été un grand carrefour d’échanges commerciaux. Sachant qu’elle a vu naître, au XVIIIe siècle, la première « maison du café » de France, l’exposition Café In du MuCEM apparaît comme une évidence, que ce soit au niveau historique, économique ou artistique du café. Garçon, un article allongé, s’il vous plaît !
Comme la force des mots ne peut être remise en question, l’intitulé de l’exposition mérite que l’on s’y attarde. Il rappelle, bien sûr, la caféine, mais aussi l’ambition de rassembler tous les univers du café à l’intérieur (« café in ») d’une cafetière muséale. Des excursions culturelles sont également prévues en dehors (« café off ») avec divers partenariats chez des commerçants, cafetiers, éditeurs et restaurateurs. Le titre permet aussi d’entrevoir quelques-uns des aspects qui sont filtrés tout au long du parcours. Comme dans certains festivals bien connus, le café est une véritable institution qui a son « In » (prix élevé de cafés rares et cercles de dégustation restreints comme au Royaume-Uni) et son « Off » (prix raisonnable pour un café en grande surface ou au bistrot du coin). On pourrait même y voir un clin d’œil au fait qu’en boire a souvent été considéré comme branché (« in »)…
Les plus de trois cents œuvres et objets rassemblés sur 1 150 mètres carrés dédiés à l’exposition Café In se révèlent impressionnantes, et donnent même envie au visiteur de reprendre une tasse de connaissance à l’issue de la visite. Il faut dire que la culture du café s’y déguste de manière bien singulière. Une illustration d’un rameau de caféier libérien vient certes nous accueillir à pétales ouverts, mais les détails sur les plantations, les étapes de fabrication, qui pourraient être considérés comme une entrée en matière évidente, sont réservés pour la fin de la visite. Toute croyance part d’un fond de vérité, et inversement. C’est avec ce parti pris que démarre l’exposition, entre culte éthiopien des Zar et lecture de l’avenir dans le marc de café. Plus généralement, le visiteur avance dans l’espace (les douze « portraits de villes » ayant marqué l’histoire du café), dans le temps (du VIe au XXIe siècle), et dans les notions associées au café (la nature, le marché de ses échanges commerciaux et financiers, et la communauté qui se crée autour de lui dans les bars…).
Ceux qui analysent cet étrange objet en ont d’abord souligné l’ambivalence, entre vertus médicinales (une concentration aiguisée) et source de dépendance nuisible, avant de l’aborder sous un angle plus sociologique (phénomène de mode, créateur de convivialité). Textes et photographies montrent ainsi que le café a rassemblé des communautés bien identifiées (des représentants religieux au Caire ou à La Mecque, des riches négociants et hommes politiques à la cour du Roi) puis un ensemble hétérogène de consommateurs sans distinction de niveau de vie ou de couleur de peau. Tous sont réunis par la dégustation d’un breuvage qui rend poète le plus inculte, dont l’imaginaire est rempli de « robusta », « arabica », « allongé », « noisette », « crème », « liégeois » ou « viennois ». Le bonheur est donc dans le café, mais l’inspiration aussi. Peintres (Kentridge), écrivains (Zoé Valdès), musiciens (Jean-Sébastien Bach), photographes (Cartier-Bresson), ou encore sculpteurs (Roberto Fabelo) se croisent aussi pour évoquer le café chez les autres, ou chez eux-mêmes.
C’est peut-être parce que le choix du parcours se veut résolument positif, optimiste, que la dureté du métier des ouvriers dans les plantations est peu traitée ou paradoxalement magnifiée par de superbes photographies couleur. Mais le développement du commerce équitable, accordant une rémunération plus juste aux producteurs, est quant à lui bien souligné. La période contemporaine montre d’ailleurs que l’histoire du café est loin d’être finie, puisque l’on a récemment découvert que le marc était un filtreur efficace pour les UV, les odeurs ou encore les produits chimiques. Nous saurons maintenant que siroter un café équivaut à boire une histoire d’hommes, de lieux et d’époques. Etymologiquement, café vient d’ailleurs du mot « qahwa », qui signifie « vin en tant que stimulant de l’appétit ».
Guillaume Arias
Café In : jusqu’au 23/01/2017 au MuCEM (Esplanade du J4, 2e).
Rens. : 04 84 35 13 13 / www.mucem.org
Nuit vernie autour de l’exposition le 25/11 à partir de 19h, en partenariat avec l’ESADMM, Courant d’Art, les étudiants d’AMU et Borderline (jusqu’à 1h) : ouverture des expositions jusqu’à 23h30, interventions artistiques par l’ESADMM, dj set « Back to back »