Capitaine Achab – (France – 1h40) de Philippe Ramos avec Denis Lavant, Dominique Blanc, Jean-François Stévenin…
La baleine flanche
Sans être aussi difficile que l’art, la critique n’est pas si aisée que cela. On a beau décortiquer un film, analyser une à une les arabesques lumineuses de chaque plan, il arrive toujours cet instant délicat où quelque chose nous échappe. Le mystère d’une réussite ou d’un échec, ces secousses insaisissables de la passion qui vous font souvent préférer un film qui cherche et qui se plante à un autre, parfaitement ouvragé, mais dans lequel rien ne s’agite. Capitaine Achab fait assurément partie de la première catégorie. Voilà une œuvre romanesque, travaillée par un lyrisme acharné et aventureux, qu’on aurait voulu aimer passionnément et qui échoue, morose, en l’écume de ses promesses non tenues. Pourtant, il faut reconnaître à Philippe Ramos l’audace de son pari et une authentique force visuelle. A mi-chemin entre le souffle terrien d’un Odoul (Le Souffle) et le sensualisme d’Achard (Le Dernier des Fous), son Capitaine Achab avance sans réfléchir, dessinant à force de détails les contours d’une Amérique mythique et fantasmée. En ce sens, le film n’est qu’une ébauche de ce qu’il aurait pu être, empruntant quelques effets au cinéma muet (iris et surimpression), puis frayant brièvement avec le western, avant de s’engager dans la contemplation d’une nature sauvage. De ce déséquilibre naît une authentique beauté, mais aussi un profond sentiment d’inaccomplissement, voire un singulier ennui. Etrange, en effet, de sentir le lyrisme affleurer sans jamais exploser vraiment. Capitaine Achab est, sans doute, un rendez-vous manqué. Mais tant d’ambition, de folie et de promesses font sincèrement plaisir à voir.
Romain Carlioz