Capitale(s) : jusqu’au 16/03 à la Galerie Gourvennec-Ogor
Si loin, si proche
Délocaliser l’art de son présumé lieu de prédilection ? Un projet audacieux, mis en œuvre avec brio par Didier Gourvennec-Ogor, qui invite des galeries parisiennes à investir « l’autre Capitale ».
Cette année, les noms prestigieux de l’art contemporain viennent prendre une bouffée d’air marin. « J’ai eu l’opportunité de choisir les artistes, comme Claude Lévêque, Philippe Ramette, ou Jacques Villeglé, ainsi que quelques œuvres. Tout s’est fait en quatre mois », se félicite Didier Gourvennec-Ogor. Photographie, sculpture, peinture, installation vidéo… les œuvres des douze artistes sélectionnés ne présentent pas nécessairement de cohérence entre elles. La légèreté domine a priori, notamment avec cette œuvre-jeu de Kolkoz (Paysage arabe) basée sur le principe du téléphone arabe : un croquis est passé de main en main jusqu’à l’obtention d’un dessin très réaliste représentant un pick-up. Pourtant, toutes les œuvres proposent un regard pluriel, une réflexion ouverte à l’interprétation. Le cas le plus frappant est une photographie de Christian Boltanski. « Elle a cela de mystérieux et de fascinant que lorsqu’on l’observe, on verrait presque Edith Piaf, par sa posture et son allure. Mais la lecture du titre fait basculer notre vision vers quelque chose de plus sombre », explique le galeriste à propos de La Chanteuse- Les Fantômes de Varsovie. L’art a cela de magique qu’il sait rassembler. Finie la bonne vieille querelle Paris/Marseille devant ces œuvres qui ne manquent pas de nous rappeler qu’ici comme ailleurs, les problèmes sont les mêmes. La Lettre de non-motivation de Julien Prévieux nous rappelle avec humour que la précarité de l’emploi et la lourdeur administrative ne sont pas l’apanage de la « province ». Le bureau démantelé de Claude Lévêque renvoie quant à lui aux souvenirs douloureux d’une scolarité difficile. Une œuvre à laquelle fait écho la voix de l’enfant du montage vidéo de Mircea Cantor, répétant comme un mantra la phrase « I decided not to save the world… I decided not to save the world… ».
En rassemblant ces grands noms, Didier Gourvennec-Ogor frappe fort et réalise au passage un projet artistique inédit, à l’image de son propre parcours, qui l’a vu réussir son aventure marseillaise.
Morgane Masson