Carnaval Indépendant de la Plaine-Noailles-Réformés
Commun printemps
« C’est l’irruption d’une vie incontrôlable ; c’est le Marseille ingouvernable, joyeusement indiscipliné, qui refait surface. » Ainsi l’un des membres fondateurs du Carnaval de la Plaine, l’emblématique Alèssi Dell’Umbria, nous aiguillait-il l’an dernier au sujet du fameux défilé qui marque, depuis 1999, la fin de l’hiver dans les rues de son quartier, résolument populaire.
« C’est un rite qui remonte à la nuit des temps, à Marseille comme à Cadix, Cologne ou Haïti. » Véritable catalyseur de toutes les transgressions, législatives, sexuelles ou, par le passé, raciales, les traditions carnavalesques ont de tout temps irrité les autorités, étatiques ou religieuses, en se forgeant une réputation durable en matière de contestation sociale et politique. Ce n’est malheureusement plus une évidence dans notre société du divertissement généralisé, mais une fois libéré de toute tentative de récupération folklorique (au sens péjoratif), et cela tout en enterrant l’hiver, le carnaval se fait pourtant le témoin privilégié d’une société qui se renouvelle par ses marges. D’une société qui émet des signes de vie, pour le dire autrement. D’une société qui respire, tout simplement. Il n’y a qu’à jeter un œil sur ce qui se fait en Europe et ailleurs, ou constater cette année la prédominance de la caricature de Donald Trump sur les chars, pour comprendre les enjeux noués (ou qui se dénouent) derrière ce rituel…
Des carnavals, il en existe donc partout à travers le monde, il en existe autant qu’il existe de visions du monde, d’où, là encore, leur fulgurante prégnance avec l’actualité : dans un contexte de globalisation occidentale galopante qui régit à l’univoque des décrets liberticides, les enjeux noués derrière le personnage du Carnaval dépassent toujours bel et bien le simple loisir. Une conscience joyeuse, tel pourrait être l’adage, mais pas que, tant Carnaval n’a de prise avec ce qui se fait par ailleurs.
Indépendant (sans l’accord et le soutien des autorités), à la Plaine, « il tourne en dérision la volonté de faire de Marseille une ville aseptisée, vidéosurveillée, fliquée, où il n’y a plus de place que pour des animations livrées clés en main par des professionnels et strictement encadrées. » Sans affinités aucunes avec le défilé « officiel » organisé par la mairie, il est le fruit d’un travail associatif de fond mené par des petites structures du quartier, et de recherches autour des traditions d’ici tout autant que des usages en la matière pratiqués dans le Sud de l’Italie ou la Grèce. Précédé par des ateliers de confection de masques, de déguisements et d’instruments en roseau, le Carnaval de la Plaine se caractérise par cette volonté de vouloir faire beaucoup avec peu de choses, avec peu de moyens, où l’idée prime. Voilà une belle façon de revenir à l’essence de la notion populaire qui entoure cette tradition. De celles qui se prêtent volontiers à toutes les perversions.
Jordan Saïsset
Carnaval Indépendant de la Plaine-Noailles-Réformés : le 12/03 à Marseille.
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