Caroline Duchatelet – Trois Films à la Compagnie
Ode à l’aube
D’une beauté délicate, les films de Caroline Duchatelet constituent une véritable réflexion esthétique, qui tend davantage à dialoguer avec nos sens qu’à questionner notre intellect. Une invitation à lâcher prise pour mieux plonger.
Un ciel qui se meut, engloutit et caresse le sommet d’une montagne. Du visible qui éclot à la faveur du jour naissant, au gré d’une surprenante lenteur, d’une douceur troublante. Des révélations qui s’avèrent d’autant plus précieuses qu’elles sont éphémères… L’œuvre habite sans ostentation le vaste espace de la Compagnie. Le premier film, Eolienne, est projeté dans un coin ouvert mais sombre du lieu. Les deux autres, Rome, le 9 août 2009 et Eth, 2009, sont présentés quant à eux sous forme de diptyque dans une pièce close, nous laissant une impression de solitude, en face-à-face avec les œuvres une fois les films mis en marche. Pas de son, rien de superflu : une épure qui laisse place à un dialogue muet dans lequel, semble-t-il, il n’est justement question que d’être, présent.
Caroline Duchatelet oriente son travail autour de la représentation du paysage, qu’elle donne à voir non pas comme témoin mais en sa qualité de détail, de parcelle du monde. Si l’artiste choisit avec une extrême attention ce qu’elle souhaite filmer (elle a passé deux ans à observer les aubes en Italie), elle n’intervient pas après avoir choisi le cadre, puisque c’est la lumière naturelle qui dessine les motifs, modifie l’espace du visible et influe sur notre propre perception. Ses œuvres tendent ainsi à déconstruire un monde fait de matière pour mieux éprouver son contact, nous invitant à le considérer autrement. Ici, le médium de la vidéo ne sert pas l’image au sens strict du terme ; sa dimension temporelle s’emploie à la faire apparaître et disparaître pour ne nous laisser percevoir que l’essentiel, sans se prêter à la narration. Plongé dans l’obscurité, le regardeur se confronte à la puissance formelle et sensible d’œuvres à des années-lumière du spectaculaire auquel l’art contemporain mainstream nous avait habitués. Bien loin de la clameur printanière de la ville, on se laisse porter par la contemplation de quinze minutes de poésie…
Texte : Juliette Pesce
En photo, des extraits de Éoliennes
Caroline Duchatelet – Trois Films : Jusqu’au 16/07 à la Compagnie (19 rue Francis de Pressencé, 1er). Rens. 04 91 90 04 26 / www.la-compagnie.org