Audrey Vernon

Carte blanche à | Audrey Vernon

Intelligente, engagée, drôle, désarmante… les qualificatifs ne manquent pas pour dire tout le bien que l’on pense de la comédienne et autrice Audrey Vernon. Dans cet émouvant « courrier du cœur », elle revient sur ses jeunes années dans la cité phocéenne.

 

 À bientôt Ventilo.

 

Cher journal que je lis au Café de la Banque lors de mes devenues rares descentes familiales à Marseille, revenez vite… Parce que sans vous, j’ai peur.

J’ai peur de ne plus avoir d’amis.

J’ai peur de ne plus avoir de lumières faibles et vacillantes dans les sombres temps.

J’ai grandi à Marseille et j’avais soif d’intelligence, de théâtre, de musique, d’art, et ce n’était pas facile à trouver dans les années 80.

Il était plus facile de « descendre en ville » comme on disait, de faire les magasins et d’acheter des Tark’1.

Moi, cela me désespérait, les samedi shopping en ville et le retour chez moi avec des sacs de vêtements qui ne me rendaient pas heureuse.

C’était ça, notre culture, notre civilisation, notre façon de vivre en communauté ? Acheter, consommer. Pas de création commune, pas de fête, de gratuité, de partage.

Vous êtes arrivés lorsque je suis partie vivre à Paris. Je n’ai pas connu Marseille avec vous, mais de loin je suivais l’évolution de ma ville natale et tous les signes positifs, Marsactu, Clean My Calanques, Stop Croisières, Philippe Pujol, Clean My Calanques, Nicole Ferroni, Ariane Lavrilleux…

Quand je reviens, je vois le Stade Vélodrome où j’ai été hôtesse d’accueil et où j’ai de merveilleux souvenirs :

OM-Valenciennes, 4-0 à la mi temps, la moitié du stade qui se vide et la victoire 5-4 en deuxième mi temps.

La grève éclair des stadiers un soir d’octobre parce qu’il faisait trop froid et que les vêtements d’hiver n’étaient pas arrivés ; et la direction de l’OM allant leur acheter de grandes vestes Adidas à la boutique de l’OM, et nous, les hôtesses, toujours frigorifiées.

Les supporters en larmes parce qu’une banderole avait pris feu, et une stripteaseuse offerte en cadeau par l’équipe pour l’anniversaire du club Marseille Trop Puissant.

Un stadier qui m’avait expliqué ce que ça fait de se faire charger par un CRS… « C’est comme se prendre la vitre avant d’un bus. »

Marseille, dans mon enfance, c’était ça. Aujourd’hui, le stade ressemble à un mall américain, ça me rend triste, mais la culture marseillaise est toujours là, singulière ; de Jul à Jean-Jérôme Esposito, je suis fière de mes compatriotes qui essaient de créer dans cette ville si inégalitaire.

J’ai raconté, dans L’Humanité, mon passage au commissariat Noailles, mes larmes devant les enfants abandonnés par l’État ; parfois, quand je reviens, je décompense comme si j’avais été en Inde devant tant de misère.

Mon Marseille, c’est la torréfaction Debout, le lycée Thiers, Malmousque, le César et le Variétés, le Chocolat Théâtre et la contrée.

Ne disparaissez pas.
Revenez, je ne sais pas comment… mais on a besoin de vous.

Je vous embrasse.

 

Audrey Vernon

 

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Pour en (sa)voir plus : audreyvernon.com