En Plaine montée

Après l’installation d’une librairie aux choix bien affirmés (l’Hydre aux Mille Têtes), c’est au tour d’un nouveau bar culturel de s’implanter dans le quartier de la Plaine. Quand la porte d’une liberté se ferme (suite aux travaux en cours), un vent de solidarité s’engouffre par la fenêtre…

Situé rue Curiol, le Pas Sage aurait pu tirer son nom de sa partie basse, quelque peu coquine. Mais comme nous sommes au 77, il faut remonter le haut et rhabiller la vérité. Comme l’explique Justine, membre du collectif qui anime le lieu, il n’y a pas une seule, mais deux références à l’origine du Pas Sage. Tout d’abord, le bar est l’un des passages menant à la Plaine. Logique. Ensuite, il y a l’anticonformisme, puisque le lieu se veut notamment un espace de débats sociétaux où la parole est résolument libre.

Passé un sas extérieur ouvert pour les fumeurs et les curieux, force est de constater que pénétrer dans le Pas Sage revient à entrer dans la caverne d’Ali Baba d’un.e copain.ine. Ici, point de ligne de décoration claire ; ce qui traduit bien la mixité et la liberté revendiquées. Toutes les matières et objets y passent, du bois au plastique, entre disques vinyles, instruments de musique, portraits de sociologues et de philosophes, peintures encadrées et tee-shirts engagés au mur. Une petite librairie d’une dizaine de livres pointe même le bout de son étagère. Enfin, un bar qui veut juste ressembler au salon du voisin, qui n’a pas de goût uniforme, chez qui on va boire un verre et se changer les idées.

La variété de la décoration fait écho aux origines des membres du collectif, qui nous font voyager pour le prix d’une bière. Allons d’abord en Palestine avec Bassel, qui a travaillé à la programmation de la Merveilleuse à Notre-Dame-du-Mont, et qui cherchait un bar à reprendre proche de la Plaine « sans problème de voisinage », pour « garder un esprit quartier » et y insuffler une pincée de social et un soupçon de culture. Que les voisins de rassurent, un important travail d’isolation a été réalisé pour accueillir concerts et verres qui s’entrechoquent. Pour Bassel, les choses sont simples. Un café associatif à l’image du collectif est « un lieu accessible, visant la survie de ses gestionnaires et non la recherche de lucrativité à tout-va (les évènements payants ont un prix libre), où l’on fait les bonnes choses. » Poursuivons notre chemin au Yémen avec Jameel, photo-journaliste et animateur socio-culturel qui promet de jouer du oud dès qu’il le maîtrisera. La présidente de l’association, Juliane, professeure de philosophie, étant à Cuba pour l’instant, la boucle est bouclée avec Justine aux origines balkaniques, qui parle une dizaine de langues et réalise des films documentaires.

De ce collectif motivé et bariolé se dégage une énergie fortement renouvelable. Tout le monde est polyvalent et donne un coup de main pour le bar, les accrochages, la communication ou la programmation. De ce point de vue, le lieu étant ouvert depuis le 23 novembre seulement, on pourra pardonner à l’association de ne pas être encore très structurée. Aussi la programmation se dévoile-t-elle sur les réseaux sociaux, en grande partie au gré des demandes et envies. L’ouverture est bien au cœur de la philosophie du lieu et comme nous le rappelle Bassel, « ce sont les gens qui viendront qui feront grandir le Pas Sage. »

Pour l’instant, on y trouve autant des répétitions de la chorale de la Plaine que des concerts acoustiques ou Dj sets de tous styles à raison d’une à deux fois par semaine, ou encore des rencontres-débats, des ateliers de théâtre, et bientôt des projections et des expositions. Le Pas Sage a décidé de ne pas nous laisser souffler. Et comme l’indique sa description sur Facebook, il nous invite à partager, à échanger et à recommencer. Comme le dirait un célèbre petit bonhomme vert, « Nourrir le Pas Sage de votre présence, votre mission sera. »

Guillaume Arias

Bar culturel Le Pas Sage : 77 rue Curiol, 1^er.
Rens. : www.facebook.com/pas.sage13001/