C’est arrivé près de chez vous | Coco Velten
Cocommunautaire
Vendredi 12 avril, la foule était au rendez-vous lors du concert endiablé de MaClick pour fêter l’ouverture de Coco Velten : un tiers-lieu hybride et associatif piloté par Yes We Camp, mêlant un hébergement social, des espaces de travail et d’autres ouverts au public.
Après une première semaine d’inauguration haute en émotions pour ce nouvel espace et presque un an de travaux, c’est avec Belsunce Breakdown dans la tête que nous avons parcouru les lieux en compagnie de Sophia Daoud, l’une des coordinatrices du projet pour Yes We Camp. L’occasion de revenir avec elle sur les origines du projet et ses ambitions, mais aussi sur la programmation à venir.
Les prémices de Coco Velten, c’est un dispositif lancé par la Préfecture de région, « Lab Zéro », qui vise à résoudre des questions d’innovations publiques avec pour objectif zéro sans-abri d’ici les dix prochaines années. Dans ce cadre, Yes We Camp est contacté pour imaginer quelque chose pour l’ancien bâtiment de la DirMed, qui occupait jusqu’en 2016 4000 m2 de bureaux rue Bernard du Bois, cette rue qui part de la porte d’Aix pour aller à la Gare Saint-Charles. L’association Yes We Camp, que l’on connait pour ses projets lors de MP2013, Foresta à Marseille ou les Grands Voisins à Paris, développe des projets d’occupation temporaire et propose d’investir le lieu en liant l’habitat social avec des locaux d’activités et un espace ouvert au public. L’idée est d’intégrer les habitants dans un tissu actif et de nouer du lien entre ces différents pôles. Autre défi pour l’association : s’intégrer dans le quartier dynamique de Belsunce sans que les structures existantes de ce maillage associatif et culturel déjà bien tissé n’aient l’impression d’être écrasées, mais qu’au contraire on les intègre au projet, que celui-ci puisse leur servir de plateforme. Un gros challenge quand on connaît les risques de gentrification des quartiers populaires…
Le bâtiment est donc divisé en trois : un hébergement de 80 places (à terme) géré par le groupe SOS Solidarité, des bureaux et des ateliers, et enfin des espaces ouverts au public. Les travaux ne sont pas tout à fait finis, il faudra attendre encore presque un an pour que tous les espaces soit ouverts, mais d’ores et déjà, une cinquantaine de personnes habitent les lieux, seuls, en couple ou en famille ; une quarantaine de structures, artistes, artisans et associations ont installés leurs espaces de travail, et une cantine a ouvert, accueillant les saveurs ensoleillées de « Parchita », un projet de restaurant mené par une cheffe et des réfugiés vénézuéliens. L’idée de cette cantine est de proposer un « incubateur » à des structures qui souhaitent se lancer dans la restauration en leur fournissant l’espace et la cuisine industrielle mise à disposition par le centre social de l’îlot. Dès le premier jour, les tables étaient pleines. Et d’autres concerts vont suivre. Mais ce n’est qu’une partie de l’iceberg, le reste n’a pas encore émergé.
Lorsqu’on parcourt les étages, il y a encore du mouvement partout, on entend encore les scies, les perceuses, les ponceuses. D’autres espaces vont voir le jour ; une grande halle, au dernier étage, où l’on pourra voir un film sur grand écran, faire un cours de yoga, assister à un spectacle de danse. Le toit terrasse sera quant à lui une véritable pépinière et fera pousser des plants pour végétaliser le reste de l’îlot, ainsi que le quartier. On y fera des ateliers jardinages en petit comité. La vue est à 360 degrés. Autre espace à venir, celui des archives, en sous-sol du bâtiment administratif, qui sera divisé en deux : un pôle production/fabrication avec un atelier bois, sérigraphie et édition, et un espace sportif (la hauteur sous plafond permet des acrobaties). Beaucoup de collaborations et de partenariats sont à venir, avec des festivals, les écoles d’arts, les lieux du coin…
L’esprit du lieu, c’est un voyage entre un ici et un ailleurs ; lorsqu’on navigue dans Coco Velten, on est dans une traversée entre des tas d’îles et de continents, tous réunis en archipel, comme les formes qui se dessinent sur les murs par la peinture que l’on a poncée et qui créent une cartographie.
Le 12 avril, quelques heures avant le concert de MaClick, la porte d’Aix était bouchée par une file de camions de CRS. Édouard Philippe venait visiter les lieux pour l’inauguration et annoncer qu’il débloquait une aide de l’État pour le logement à Marseille. Les manifestants et les associations contre le mal logement n’ont pas pu atteindre la porte d’Aix tant les rues étaient protégées. Les réseaux ont fait couler pas mal d’encre pour fustiger une telle présence. On espère que cette visite officielle ne pourrira pas l’image que cet espace n’a pas encore eu le temps de faire. Aux toilettes, le soir du concert, nous avons croisé une résidente normande qui se montrait fière d’avoir pu voir le premier ministre (normand lui aussi) et, surtout, le sourire aux lèvres d’avoir un toit, pour elle et son compagnon qui sortait de prison. Comme quoi, chacun voit midi à sa porte.
Mathilde Ayoub
Coco Velten : 16 rue Bernard Dubois, 2e.
Rens. : www.yeswecamp.org/?page_id=1483