C’est arrivé près de chez vous | l’AJMI
Bel AJMI
Se perdre dans le dédale des ruelles tortueuses entre le Palais des Papes et le parking des Halles, continuer à errer une fois passé l’Utopia et, enfin, arriver à l’entrée du local de l’AJMI. Le cheminement pour se rendre au QG de la vénérable association avignonnaise a quelque chose d’un chemin initiatique dans le parcours sensoriel que se plaît à déployer le jazz contemporain.
D’ailleurs, l’AJMI, c’est plus qu’un lieu. C’est, selon le nouveau directeur Julien Tamisier, un « espace de vie et de rencontres, sans pour autant être un bar ! » Les coproductions et coréalisations qui avaient cours il y a quelques années à l’occasion du festival de théâtre laissent désormais place à des partenariats bien au-delà des remparts de la cité rhodanienne —en particulier avec Jazz in Arles, Les Émouvantes à Marseille… ou encore le Son des Peuples en Luberon. Ce dernier, conçu par la Compagnie Naï No Productions, dirigée par le sémillant guitariste Pascal Charrier, s’apparente plutôt à un « partenariat de propositions », qui comprend également un volet créatif via l’orchestre L’Arbre, un ensemble de musiciens amateurs et professionnels voué à jouer les compositions originales de ses participant·e·s. Pour autant, la dimension éducative n’est pas l’activité principale, même si les sessions AJMI Mômes et les conférences sur des pans ignorés de l’histoire du jazz par Jean-Paul Ricard (l’un des fondateurs, toujours actif depuis 1979, qui se plaît à présenter des vinyls originaux), sont toujours présentes.
« L’AJMI, c’est une sacrée histoire, déclare son nouveau directeur, qui n’ignore pas l’image de l’endroit sur le territoire. » Bien des fidèles se rappellent encore des performances de « free-jazz inécoutable » devant lesquelles se pâmaient quelques esthètes autorisés. Bien évidemment, la salle de la Rue des Escaliers Sainte-Anne continue d’accueillir des concerts qui conjuguent diverses esthétiques du jazz contemporain. Julien Tamisier loue d’ailleurs les nouveaux tiers lieux qui, peut-être moins contraints par le poids de leur histoire, proposent des programmations innovantes sans pour autant être absconses. Si ce musicien pluri-instrumentiste, responsable de la classe de jazz au Conservatoire régional d’Avignon depuis 2003, s’est retrouvé à la direction de l’AJMI, en 2021, c’est parce que l’association avait besoin d’un nouveau souffle après quelques années erratiques. Son implantation locale dans le vivier musical avignonnais, qu’il estime être le fruit d’un concours de circonstances, sans fausse modestie aucune — « Je pense que je n’avais pas vraiment la vocation pour enseigner », déclare-t-il — lui permet d’avancer en terrain connu. Sa profonde connaissance des musiques actuelles, et pas uniquement labellisées « jazz », l’autorise donc à composer une programmation fondée sur son intérêt pour le « côté artisanal » des créations contemporaines, tout en prêtant attention à l’aspect « bien fabriqué » des productions scéniques.
En tant que directeur artistique, il peut avoir des critères personnels dans sa programmation. « Sans ligne artistique prédéfinie », il estime tout d’abord devoir aider les artistes locaux en programmant au moins une fois par mois une formation ecomprenant un·e musicien·ne des alentours. Sans ignorer les musicien·ne·s de stature hexagonale qui cherchent, par exemple, des résidences de création. Surtout, l’accent est désormais mis sur les velléités inclusives de l’AJMI : la mixité devient un horizon incontournable dans la représentation sur scène. Un coup d’œil à la programmation automnale permet de comprendre que l’AJMI, loin d’atteindre quelque âge de raison que ce soit, est plus que jamais ce laboratoire créatif dont les jazz contemporains ont besoin pour imaginer un autre futur à ces musiques.
Laurent Dussutour
L’AJMI : 4 rue des Escaliers Sainte-Anne, 84000 Avignon.
Rens. : www.ajmi.fr