Livre service

Depuis presqu’un an, le 92 boulevard Chave abrite une librairie-café née, comme son nom l’indique, d’un rêve. Focus sur la Rêveuse et celle qui en a fait une réalité, Sophie Gasquet.

Après une carrière comme contrôleuse de gestion auprès d’ONG internationales du secteur des énergies renouvelables, Sophie Gasquet a décidé de réaliser un rêve, devenir libraire. Ses parents l’ont surprise en lui rappelant qu’elle évoquait déjà cette idée dans sa tendre enfance en répétant « Quand je serai grande, je tiendrai une librairie-café. » Voilà qui est fait.

Depuis octobre 2021, la boutique de prêt-à-porter pour dames Harmonie s’est muée après travaux en un local lumineux, avec à l’entrée un espace café, avant de découvrir, en haut de quelques marches, les rayonnages muraux et les tables d’une librairie généraliste où tous les rayons sont présents : littérature, polar, essais, jeunesse, BD, livres pratiques.

L’intention de Sophie était de créer un lieu inscrit dans la vie d’un quartier de Marseille plutôt qu’une librairie de centre-ville. Une étude de marché l’oriente vers le Camas, ce quartier qui a connu des changements notables, dont la population présente un potentiel certain et peu de concurrence. Une formation auprès de l’Agence Régionale du Livre pour apprendre le métier plus tard, restait à trouver le local adéquat. C’est grâce à l’association locale des commerçants qu’elle découvre cette boutique destinée à la fermeture. Le projet prend corps, le Conseil Régional apporte son aide à l’investissement, et la Rêveuse naît, rejoignant ainsi la trentaine de librairies indépendantes existant à Marseille.

Ladite librairie indépendante ne se porte pas trop mal, comme en témoignent quelques récentes créations à Marseille, dans plusieurs quartiers. Cependant, cette géographie marseillaise de la librairie s’avère elle aussi très inégalitaire, avec une librairie indépendante pour 13 000 habitants dans les huit premiers arrondissements, contre une pour 170 000 habitants dans les huit derniers (du 9^e au 16^e).

Cette résistance de la librairie est à mettre notamment au compte du précieux système du prix unique du livre. Pourtant, l’équilibre s’avère souvent précaire, les marges étant très faibles et les loyers pesant lourd, surtout dans les grandes villes. Et si des aides publiques existent, à l’instar d’une loi récente qui a ouvert des possibilités nouvelles d’intervention directe des communes et intercommunalités, les libraires hésitent souvent à consacrer beaucoup de temps et d’énergie à constituer des dossiers et faire les démarches nécessaires pour un résultat incertain.

Après un an, même si le métier est exigeant par ses horaires et ses contraintes, Sophie dresse un bilan très positif, la librairie devenant ce qu’elle en attendait, un lieu d’animation autour du livre. Une clientèle diversifiée se constitue peu à peu, grâce à la variété de l’offre, à l’organisation régulière d’événements, comme des rencontres avec des auteurs, et le coin café a pris consistance, attirant même certains qui ne gravissent pas les marches vers les tables de livres, mais qui le feront probablement un jour. Attirer vers la lecture et le livre, c’est l’une des fonctions d’une librairie de proximité.

Sophie a toujours des projets, comme des partenariats avec les écoles, des relations avec les auteurs et les éditeurs marseillais, la ville en recelant un bon nombre. Et puis il y a la rentrée littéraire, toujours pléthorique… Sophie livre quelques coups de cœur comme Le Feu du milieu de Touhfat Mouhtare, roman de formation situé aux Comores, ou Tibi la Blanche, du marseillais Hadrien Bels, qui place sa nouvelle histoire à Dakar.

Une librairie qui nait d’un rêve ancien et devient un lieu vivant, c’est plutôt une bonne nouvelle, non ?

Gabriel Ishkinazi

La Rêveuse : 92 boulevard Chave, 13005 Marseille.

Rens. : 09 50 33 71 85 / www.facebook.com/librairielareveuse/