Rue des pâquerettes de Mehdi Charef

C’est arrivé près de chez vous | Les éditions Hors d’atteinte

Livres penseuses

 

Hors d’atteinte, « comme ce qui ne peut être touché, saisi — ce qui est subtil et souple, indépendant et fugace ; mais aussi ce qu’on met à l’abri, dans un endroit inattaquable, inabordable. » C’est le nom d’une nouvelle maison d’édition féministe qui vient de s’implanter au cœur de la cité phocéenne, afin d’appréhender les changements sociétaux actuels à travers la littérature.

 

Hors d’atteinte, c’est tout d’abord un nom, et un logo : de grandes lettres noires sur fond blanc, à la fois sobres et fières, qui claquent. C’est surtout une idée, qui a germé dans la tête de deux jeunes femmes : Marie Hermann et Ingrid Balazard souhaitaient partager leur envie d’analyser les changements profonds et rapides du monde actuel.

Les deux filles se sont connues à Paris et ont partagé le même bureau il y a quelques années. Elles ont également en commun d’avoir travaillé pour des maisons d’édition spécialisées dans les sciences humaines, la philosophie ou encore la politique : Agone et Diaphane pour Marie, les Éditions de l’Atelier et de la Sorbonne, entre autres, pour Ingrid.

Monter leur maison d’édition à Marseille apparaissait comme une évidence, tant la ville entre en résonnance avec les sujets qui les portent (l’immigration, l’identité, les populismes…). Comme un symbole, elles se sont installées rue du Musée, à deux pas de la rue d’Aubagne.

Hors d’atteinte s’est donné pour objectif d’offrir une grille d’analyse et de nouveaux outils afin d’aider à la compréhension de notre monde en pleine mutation,« mais aussi [d’]imaginer et préparer ce qu’il pourrait être» Il s’agit donc de proposer des hypothèses, qui seront autant de prises de risques.

La question féministe est également au cœur du projet : une préoccupation que le duo dit avoir identifiée antérieurement au mouvement #MeToo et dont elles font l’un de leurs chevaux de bataille, alors que le patriarcat a encore, semble-t-il, de beaux jours devant lui. Composé de professeur.e.s d’université, de journalistes et de chercheur.se.s, le comité éditorial — strictement paritaire — entend ainsi aborder des sujets comme la charge mentale (théorisée dès les années 70 et « qu’il faut se réapproprier »), mais aussi appliquer une perspective féministe à toutes les questions sociétales, qu’il s’agisse des médias, de l’environnement ou de la politique.

Six ouvrages sont prévus pour 2019 dans deux collections, « Littératures » et « Faits et idées », qui s’articuleront entre elles, comme en témoigne le tout premier ouvrage édité par Hors d’atteinte, Rue des pâquerettes de Mehdi Charef. Dans ce roman, qui signe son retour à la littérature après treize ans d’interruption, l’auteur et réalisateur « revient sur son arrivée en France en 1962. Il y raconte l’absurdité de l’exil, la boue du bidonville et les silences rentrés ; mais aussi la soif de mots d’un enfant avide de raconter ce qu’il comprend du monde qui l’entoure. »

Au programme de la collection « Faits et idées » notamment, la parution en septembre de Notre corps, nous-mêmes, grand classique féministe des années 70, réactualisé par un collectif de dix femmes afin de permettre à d’autres femmes de se positionner, d’apprendre ou de comprendre leur corps à travers des témoignages et des informations fondées et bienveillantes.

On ne peut que féliciter la démarche intellectuelle de cette maison d’éditions, porteuse d’une autre voix, pertinente et capable de (re)donner du lien et du sens à travers la littérature.

 

Cécile Mathieu

 

Rens. : www.horsdatteinte.org