En se rebaptisant « sciences de l’information et de la communication », la filière universitaire consacrée aux études sur les médias et le journalisme a définitivement consacré l’idée que ces deux concepts — « information » et « communication » — ne faisaient (presque) qu’un… Dans un univers médiatique vampirisé par les enjeux commerciaux, d’autant plus avec l’avènement du Web, le premier s’est peu à peu vidé de sa substance pour laisser la place au second, avide de « temps de cerveau disponible ».
La semaine passée nous en a livré une démonstration « éclatante », avec un résultat, pour l’information comme pour la communication, tout simplement désastreux. Jeudi 26 septembre à midi, le temps de l’information s’est subitement arrêté dans les médias français. Alors qu’une catastrophe écologique et sanitaire majeure — dont on ne mesure pas encore les conséquences — frappait l’agglomération de Rouen suite à l’incendie d’une usine classée Seveso 2, chaines de télé et stations de radio consacraient l’intégralité de leurs programmes à la mort de Jacques Chirac, relayées le lendemain par la (quasi) intégralité des unes de la presse papier. En guise « d’info », des hagiographies de l’ancien président français qui « aimait les gens et les pommes », passant notamment sous silence son bilan peu glorieux (on ne fait pas la liste, au risque d’imprimer le bottin) et ses condamnations pour abus de confiance, détournement de fonds publics et prise illégale d’intérêt. La litanie des hommages à feu le président (du moins à sa marionnette des Guignols) s’est ainsi poursuivie pendant tout le week-end — sans qu’un seul ne soit rendu à Christine Redon, la directrice d’une école de Pantin qui s’était suicidée quelques jours auparavant dans un silence alarmant. Du pain bénit pour les chaines d’info, qui n’en avaient définitivement que le nom.
La « communication » n’en a pas triomphé pour autant pendant ce week-end de triste mémoire pour les habitants de la Seine-Maritime, ponctué par les recommandations contradictoires du ministère de l’Intérieur (« lavez soigneusement vos fruits et les légumes »/« attendez avant de les consommer », « confinez les enfants »/« aérez vos maisons »…). Des conseils peu voire pas du tout relayés dans les médias, qui se sont souvent contentés de reprendre in extenso les propos officiels. Ainsi, tandis que le spécialiste météo (autant dire un véritable expert en la matière…) de la chaîne LCI expliquait le plus sérieusement du monde que la pollution s’était rapidement dissipée dans la stratosphère, le quotidien 20 minutes reconnaissait que le titre de l’un de ses articles (le désormais fameux « Un nuage de fumée un peu toxique mais pas trop traverse les Hauts-de-France ») « résumait un peu abruptement la position de la préfecture. »
Décidément, le nuage de fumée survolant les Hauts-de-France n’est pas le seul à nous intoxiquer…
Cynthia Cucchi