C’est pas pareil ! : jusqu’au 30/10 à la Friche la Belle de Mai
Faut (pas) rêver !
Quand on a quatre ans ou presque, on a beaucoup d’imagination, encore faut-il la nourrir. Quand on a quatorze ans, comme la compagnie Clandestine, on nourrit celle des autres.
Avec pour toile de fond les thèmes humanistes de respect et de droit à la différence, C’est pas pareil ! déplie — sous les yeux ébaubis et les sourires ébahis — des personnages de papier, tous identiques ou presque, et déploie un arsenal surprenant et varié de formes découpées, créant des volumes de-ci de-là. Dans un espace volontairement réduit, la comédienne et conceptrice Ester Bichucher déplace les pliages, agence son petit monde, le désorganise, le réinstalle. Si les enfants les plus jeunes ont du mal à percevoir le sens profond que la pièce veut transmettre — peut-être précisément parce qu’eux n’ont pas même conscience de ce problème de la différence —, il n’en reste pas moins qu’à entendre leurs réactions et à les voir s’impliquer, réagir et rire des farces facétieuses de la comédienne, on est sûr qu’ils sont subjugués. C’est pas pareil ! est bien une pièce pour le jeune public, non seulement parce qu’elle n’essaie pas seulement de partager du sensible et de l’émotion, mais aussi parce qu’elle les implique dans une recherche, dans une investigation de la pensée : « Qu’est ce que le comédien cherche à me dire ? Qu’est ce qu’il me montre ? »
La curiosité chez l’enfant du XXIe siècle est bel et bien là, l’émerveillement au théâtre aussi. En ces temps de révolution de nos modes de vie, qu’est ce qui davantage que le théâtre, dans la confrontation du corps d’un acteur et du dispositif qu’il déroule face à un public, peut rendre plus singulière et authentique la rencontre entre les uns et les autres ? On ne peut alors que déplorer l’annulation de la Biennale Jeune Public à l’initiative du Théâtre Massalia « faute de financements ». Que l’on se souvienne de la célèbre citation du philosophe Alain: « On dit que les nouvelles générations seront difficiles à gouverner ; je l’espère bien. » Nous aussi, nous l’espérons. Marseille Capitale ne semble encore être qu’un enfant…
Texte : Joanna Selvidès
Photo : Alain Le Breton
C’est pas pareil ! : jusqu’au 30/10 à la Friche la Belle de Mai. Rens. Théâtre Massalia : 04 95 04 95 70 / www.theatremassalia.com