Un nouveau musée à Marseille ? Pas vraiment. Un événement, plus sûrement ! Pendant un mois, Astérides invite le légendaire Monsieur Ferraille à la Friche : l’occasion unique de (re)découvrir le parcours hors norme de ce géant de papier… (lire la suite)
Un nouveau musée à Marseille ? Pas vraiment. Un événement, plus sûrement ! Pendant un mois, Astérides invite le légendaire Monsieur Ferraille à la Friche : l’occasion unique de (re)découvrir le parcours hors norme de ce géant de papier.
Né de l’imagination débordante de ses auteurs Winshluss, Cizo et Felder pour le festival international de la BD d’Angoulême 2003, le Musée Ferraille parcourt désormais la France en colportant un peu plus à chaque lieu le mythe Ferraille.
Monsieur Ferraille voit le jour en même temps que naît Le Ferraille Illustré, avatar politiquement incorrect des journaux de BD des années 50-60 tels Le journal de Mickey ou Pif Gadget. Héros fait de boîtes de conserves, Ferraille est un obsédé de fric, d’alcool et de sexe, qui n’a de cesse de vivre des aventures incongrues et totalement irrévérencieuses. Il côtoie, incarne et éclabousse les héros ou les mythes de la BD et du cinéma du XXe siècle.
Dans la mise en scène du Musée, les auteurs de la BD créent un univers digne de leur icône de fer. Anticonformiste et chargé d’humour corrosif, ce pêle-mêle de pièces est exposé en un vrai-faux musée — installation contemporaine, détournement des expositions traditionnelles — dans le seul but de faire l’hagiographie de ce robot fictif qui incarne un siècle de BD. Ferraille et ses créateurs sont représentés via nombres de pièces indépendantes à l’inspiration diverse : fête foraine, Pop Art ou cinéma. A travers une série d’affiches, de toiles, de maquettes, de mini-théâtres, de sculptures et d’un court-métrage, Monsieur Ferraille nous apparaît dans toute sa splendeur, entre grandeur et décadence. La pluralité des supports — comme une foire à l’objet, un cirque ou un cabaret — rend Monsieur Ferraille omniprésent et omnipotent, tel un Big Brother cartoonesque.
Si l’exposition proposée par Astérides s’impose comme une satire grinçante du capitalisme et de ses opportunistes, sa charge est quant à elle légère. On se balade, on flâne, mais on ne se prend pas la tête, le décorum Barnum festif prenant le pas sur tout questionnement.
Le Musée puise ses inspirations tant dans l’art de la rue que chez des artistes comme Obey Giant[1] dans la façon de tout coloniser au profit du propos — à l’instar du mythique Supermarché Ferraille (dont un faible échantillon était présent lors du vernissage) qui tourne en dérision le merchandising[2].
On ne s’étonnera donc pas de retrouver cette expo juste au-dessus des locaux du Dernier Cri, éditeur marseillais de graph’zines à la démarche pluridisciplinaire, entre livre narratif, typé BD, et art contemporain. Preuve est faite, s’il en était besoin, que la BD relève de la démarche artistique, que l’art contemporain tend à flirter de plus en plus avec le mode narratif du « neuvième art » et réciproquement : un rapprochement inéluctable, pour des artistes aux deux « casquettes ».
Malgré la légère déception de certains organisateurs quant à l’installation de l’expo — espace restreint et absence de pièces du Musée —, la réaction unanime des gens présents lors du vernissage peut en témoigner : la manifestation est un réel enchantement pour les fans comme les sceptiques, pour les initiés comme les profanes, de 7 à 77 ans !
Au-delà même de l’exposition, si cette balade ludique venait à vous faire découvrir l’univers du collectif des Requins Marteaux[3] — au catalogue conséquent, alternatif et dont le maître mot est l’humour —, ce serait déjà ça de fait… Et ce qui est fait n’est plus à fer !
Nicolas Loiseau
Jusqu’au 11/11 à la Galerie de la Friche (41 rue Jobin, 3e)
Rens. Astérides : 04 95 04 95 01 / www.asterides.org
Notes
[1] Alias Shepard Fairey, artiste qui réalise des stickers et des affiches qu’il colle sur les murs des villes pour dénoncer la dictature sous toutes ses formes, qu’elle soit politique, économique ou intellectuelle.