Made in Chin Na
Son nom fait souvent rire, il est pourtant l’un des trésors les mieux gardés de Marseille. Le trio Chin Na Na Poun sort son deuxième album : avec une mandoline, un tuba et une voix, il élargit aujourd’hui son chant des possibles.
Il faudra un jour se rendre à l’évidence. S’en réjouir ou s’en contenter. Rares sont les artistes locaux à avoir un langage suffisamment profond et personnel pour s’imposer durablement dans le paysage musical international. Rares sont les musiciens dont nous pourrons écouter les disques dans dix ou vingt ans. Manu Théron fait partie de ceux-là, de ceux qui donnent à notre ville et à notre région toute sa fierté et sa beauté. Avec pour seul instrument sa voix — et quelle voix ! — il a su, comme ses collègues Sam Karpienia ou Moussu T, traduire l’héritage musical provençal et occitan en une nouvelle énergie, contemporaine et partageuse. Que ce soit au sein du Cor de La Plana, ensemble vocal d’une richesse inouïe, ou avec Patrick Vaillant et Daniel Malavergne sous le nom de Chin Na Na Poun, cet éternel amoureux des traditions vocales du grand sud propage au gré de ses disques et de ses tournées sa culture, son humour et son talent. Si vous ignorez encore le personnage, surtout ne faites pas fausse route : rien ne respire ici la nostalgie et l’archaïsme. Le « C’était mieux avant », c’est pour les autres. La trilogie pétanque/pastis/OM, c’est bon pour les touristes. Ici, il est question de culture et de partage, de racines et de découvertes. La tradition se fait actuelle, la langue vit et l’esprit s’ouvre. Oubliez donc la Provence de carte postale, et jetez plutôt une oreille Au Cabanon, dernier opus de Chin Na Na Poun, qui continue de repousser les frontières de « l’Occitanité » pour s’autoriser une reprise de Bourvil (C’était bien) ou de Boris Vian (La java des bombes atomiques). Dès l’ouverture de l’album — un chant traditionnel italien, réorchestré façon blues fanfare, qui finit en une sorte de transe occitane jouissive — le ton est donné. On sait immédiatement qu’on a affaire à un grand disque. Profond et pourtant accessible, méditerranéen mais universel. C’est certainement là que réside tout le talent du groupe : chanter l’oc et être compris par tous.
nas/im
Dans les bacs : Au Cabanon (Cie Lamparo/Buda Musique)
Rens. www.myspace.com/chinanapoun