Chocolat présenté à la Minoterie
Chocolat, notre frère de lait !
A mi-chemin entre l’exposé illustré et la performance théâtrale, le Chocolat de Gérard Noiriel a proposé, à la Minoterie, une réflexion sur la discrimination à partir de l’histoire du premier clown noir.
« Monsieur Chocolat, je vais être obligé de vous frapper », avertit Footit, le clown blanc. Et un, et deux, et trois coups de taloches pour Chocolat, l’auguste noir. Silence dans la salle de la Minoterie, le rire ne résonne plus. Le duo de clown du XIXe a pourtant été fameux durant les années coloniales…
C’est le moment que choisit l’historien Gérard Noiriel pour sortir de l’ombre. Fiches à la main et porté par une musique de cirque joliment remixée, il raconte…
L’ami de comptoir de Toulouse-Lautrec ? Le Lucky de En attendant Godot ? Chocolat Cémoi ? Et bien oui, c’est lui, Chocolat. Un certain Raphaël Padilla ou de Leïos, ancien esclave, devenu le premier auguste français, le premier clown noir et pendant de l’Anglais Footit. Deux siècles plus tard, il est à l’honneur, seul sur les planches ou presque…
A côté de la piste de cirque lumineuse, où l’acteur Marcel Mankita parle de Chocolat à la première personne, Gérard Noiriel, historien spécialiste de l’immigration, démissionnaire de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration quand Sarko posa la question de l’identité nationale et auteur de Théâtre, Histoire et Politique. Et derrière Gérard Noiriel, le collectif Daja, qui regroupe des associations, des artistes et des chercheurs autour de projets favorisant la fameuse « démocratisation culturelle ». Mais peut-on parler de spectacle au sens artistique ? Plutôt d’une nouvelle forme de conférence sur le thème de la discrimination qui met en route une réflexion sur l’actualité à partir d’un fait historique.
Le théâtre prend le relai de la conférence pour assurer le côté « symbolique » de l’exposé, mettre en action les phénomènes expliqués et permettre quelques trouvailles. On peut se demander si, après que son épouse lui a appris à lire, Chocolat n’aurait pas pu tomber sur les écrits… de Kant, comme : « Les Nègres d’Afrique n’ont reçu de la nature aucun sentiment qui s’élève au-dessus de la niaiserie. »
Cependant, le théâtre passe un peu pour le clown « noir » de la farce et sa puissance politique intrinsèque se perd au profit d’un rôle illustratif dont l’impact émotionnel s’avère assez fragile. Le spectacle ouvre néanmoins un véritable débat auprès du jeune public et gratouille les oreilles plus âgées sur diverses questions, notamment sur la différence de réception entre l’auditoire de l’époque et le public actuel : ce qui provoque encore le rire aujourd’hui ne peut-il pas s’apparenter à de nouvelles formes de discriminations ?
Coline Trouvé
Chocolat était présenté le 24/04 à la Minoterie.
A lire : Gérard Noiriel – Théâtre, Histoire et Politique (éditions Agone).
Voir aussi le site www.daja.fr.