Chroniques parallèles à la Tour-Panorama de la Friche La Belle de Mai

Chroniques terriennes

 

À la Friche, les lauréats du concours Audi Talents 2017 exposent leur travail comme des appels à un autre monde. Chaque projet est une chronique visuelle qui souhaite parler d’une vérité de notre temps.

 

L’exposition Chroniques parallèles à la Friche La Belle de Mai présente les quatre lauréats du prix Audi Talents, choisis pour leur innovation et l’avant-gardisme de leurs œuvres, après une première présentation au Palais Tokyo à Paris. On y découvre des talents uniques et des performances intrigantes, les coups de cœur d’un jury de renom.
À peine entré, les bruits venant de tous horizons étourdissent. Pas bien loin, c’est un totem numérique qui gît au centre de la pièce avec des voix emprisonnées. Elles chuchotent en boucle. Ces multiples personnalités créent l’ambiance d’une illusion hypnotique. C’est le projet d’Anne Horel, collagiste, qui propose avec ://[aʃtag] (prononcez « hashtag ») un état des lieux de notre société sous la forme d’un abécédaire multimédia. De courtes vidéos (26 secondes) présentent les thèmes d’un monde en mutation. On y retrouve ainsi le visage d’un Trump angoissé et angoissant, symbole d’une Amérique en perdition, mais aussi la revendication homosexuelle, le veganisme ou la pollution de l’air. L’artiste souhaite ainsi « exposer des faits de société problématiques, disséquer des schémas et mécanismes de pensée obsolètes pour piquer l’intérêt et encourager positivement un éveil critique des consciences. » Un véritable zapping saccadé qui transcende la simple technique vidéo pour ne retenir que l’image pure et brûlante de l’idée.
Derrière un rideau, d’autres voix appellent le visiteur. Une dizaine d’écrans translucides se répondent dans une douce fumée environnante. Sculpteur, vidéaste et chorégraphe, Emmanuel Lagarrigue prend ici l’habit de metteur en scène. Son œuvre electronic city (prononcez « not electronic city ») dématérialise la pièce Electronic City du dramaturge allemand Falk Richter. Les acteurs apparaissent à la cadence de leurs dialogues et voyagent d’un écran à l’autre, fixant leur regard perdu sur les spectateurs. C’est la chronique d’un monde submergé par le numérique, par l’image et qui, finalement, perd toute sa réalité et sa matière. Une belle mise en scène qui rejoue les terreurs de ces personnages plus si réels.
Autre projet vidéo, autre monde à raconter. Eric Minh Cuong Castaing, chorégraphe et artiste visuel, choisit de travailler de pair avec des enfants handicapés, créant une danse à deux, libérant les corps parfois fragilisés. Le film L’Âge d’or, d’une poésie percutante, pose un regard authentique et esthétique sur les visages de ces enfants engagés dans une danse commune. Pour le chorégraphe, « travailler avec les enfants, c’est commencer par s’éloigner de la notion de représentation au profit d’une pure présence. Ce qu’ils sont et ce qu’ils transportent, malgré eux : une présence, mais aussi un présent. »
Enfin, The Death Show poétise et travestit le rite mortuaire. Hugo L’ahelec dépose des indices et développe une intrigue à ce jeu qu’est la mort… « Les sujets sur lesquels je travaille ne peuvent pas mener à des représentations directes. Le jeu consiste plutôt à tourner autour. J’espère de cette façon, comme dans l’appréhension de la liturgie et du rite, du théâtre et du jeu, que celui qui parcourt l’exposition pourra se sentir spectateur ou bien acteur, pour finalement plonger dans des questionnements intimes. » À la Friche, l’œuvre est considérée comme un spin-off de l’œuvre en trois actes présentée au Palais Tokyo.

 

Maud Van de Wiele

 

Chroniques parallèles : jusqu’au 14/10 à la Tour-Panorama de la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e).

Rens. : www.lafriche.org