Cinéma Mandolino de Vincent Beer-Demander

24 notes par seconde

 

Difficile de désunir un couple aussi fusionnel que musique et cinéma. Il y faut le doigté de Vincent Beer-Demander et l’irrésistible séduction de sa mandoline.

 

Voici quelques musiques échappées de la salle de projection et recapées pour la mandoline de Vincent Beer-Demander. Des caprices et un concerto sont expressément dédicacés au virtuose marseillais (1) par Vladimir Cosma et Claude Bolling et réunis dans cet opus avec des œuvres pour le grand écran de Michel Legrand, Ennio Morricone, Jean-Claude Petit et Francis Lai. Les notes ont rompu ici leur lien avec l’image et rejoint le nuage des figurations nébuleuses. L’occasion pour l’auditeur de percevoir l’activité autonome de leur forme propre, dans une temporalité affranchie de la pellicule.

Le 7e art fut musical avant même d’être parlant. Cependant, pas plus que les mots ne ressemblent aux sentiments qu’ils expriment, la musique ne produit ses représentations comme le pommier donne des pommes. Elle dégage une atmosphère, rassemble l’attention sur un détail, rythme le galop de la poursuite, souligne ou provoque le contraste… On ne peut ignorer ces articulations une fois imprimées dans l’inconscient collectif ; pas plus qu’il n’est possible de disjoindre, après que l’œil de Visconti s’en est emparé, l’adagietto de la Cinquième Symphonie de Mahler du film Mort à Venise pour qui a vu et entendu ses longues cadences incomplètes qui n’en finissent pas de mourir dans le clapot de la lagune quand la magie de l’ « audiovision » réunit la plainte des violons et le bruit de la mer. Alors comment parcourir les degrés de l’existence indépendante des musiques conçues spécialement pour le cinéma ou que ce dernier a adapté à son usage  et depuis fait corps avec elles dans le paradigme culturel ?

Dans son dernier album Cinéma Mandolino, Vincent Beer-Demander, accompagné d’un quatuor à cordes et de Pierre Henry Xuereb à la viole d’amour, démontre que dans cette contradiction, le tiers n’est pas toujours exclu. De ses interprétations surgit une émotion qui se meut dans un univers déjà habité par d’autres émotions mais sa sensibilité particulière pénètre une région de la musique cinématographique hors-champ comme un éclairage nouveau fait tout à coup découvrir dans le tableau une profondeur insoupçonnée. Si la virtuosité de l’exécution souligne encore le geste dramatique ou le moment paroxystique, la touche légère du musicien distingue, avec une palette nuancée de timbres et de coloris, les solidarités internes au mouvement des sons grâce auxquelles les mélodies peuvent redéployer à l’infini leur puissance suggestive. La mandoline, instrument rare et connoté, prétend soudain, entre les mains de Vincent Beer-Demander, comme le cinéma, à l’universalité des sentiments et de leur expression.

Pour la présentation de Cinéma Mandolino, Vincent Beer-Demander sera en concert au Musée du Terroir Marseillais, avec la participation exceptionnelle du pianiste Jean-Jacques Bedikian. Action !

 

Roland Yvanez

 

Cinéma Mandolino : le 8/10 au Musée du Terroir Marseillais (5 Place des Héros, Château-Gombert, 13e).
Rens. : 04 91 68 14 38 / www.espace-pignol.com

Vincent Beer-Demander sera également en concert le 15/10 au Théâtre La Criée (30 quai de Rive Neuve, 7e).
Rens. : 04 96 17 80 00 / www.theatre-lacriee.com

Pour en (sa)voir plus : http://vincentbeerdemander.com/

 

 

 

Notes
  1. Il fonde à Marseille, en 2007, l’Académie de Mandoline, l’Orchestre de Mandolines et, en 2009, la classe de Mandoline du Conservatoire de Marseille[]