Identité Remarquable | Clémentine Roux créatrice du podcast Marseille Créative
On disait le Sud
Clémentine Roux est la créatrice et productrice d’un des podcasts les plus en vue à Marseille, Marseille Créative. Rencontre avec celle qui entend rendre ses lettres de noblesse à la cité phocéenne dans ce qu’elle a de plus bouillonnant.
Des p’tits noms bienveillants affluent à l’esprit quand on fait la rencontre de Clémentine Roux. Elle affiche une assurance tranquille qu’un sourire franc souligne. Elle avoue pourtant d’emblée que son manque de confiance en elle aurait pu la couper de son présent si rempli d’avenir. Il lui faut donc expérimenter beaucoup et s’immerger jusqu’au vertex pour, enfin, oser se trouver légitime. Une césure de six mois au Chili, des périples au cœur de l’Atacama et ses lacs aux mille couleurs envoûtantes participent à former le tempérament de la jeune femme. De retour à Paris, passer par cette vie en entreprise que des stages antérieurs avaient augurée est inévitable. Qu’il s’agisse de Facebook et d’Instagram, le monde du grand entrepreneuriat la déçoit. Elle s’ennuie. Mais, surtout, elle ne se reconnait pas dans ces univers formatés et formatants où règne le commérage ordinaire. Très vite, l’enthousiasme de la jeune salariée est sapé. Il y a bien ce statut de freelance qui la titille mais la question de la légitimité la taraude toujours. Mais puisqu’il faut trancher, Clémentine, rassurée par ses études de commerce, crée sa petite entreprise de marketing.
Déjà, le podcast habite son esprit. Elle en écoute à foison depuis pas mal de temps. Nous sommes en 2019. L’époque met plutôt en avant des opus conversationnels dans lesquels Clémentine retrouve des sujets déjà forts pour elle : le féminisme et le respect du vivant sous toutes ses formes. Elle centre son activité sur le soutien marketing de podcasts débutants, en quête laborieuse de rentabilité. Beaucoup de studios se créent, mais la majorité traine sévère le micro pour en vivre… Au travers de ses interventions, Clémentine observe, intègre, approfondit ce milieu puis finit par se l’approprier. Désormais rompue au podcast, elle cesse de tourner autour du pot et l’escalade pour y planter sa graine, direct. L’aventure tourne plutôt bien et les premières pousses enchaînent assez vite sur de vives racines.
Elle dit bye-bye à Paris début 2022 et file tout droit dans sa Provence natale, dans une cité phocéenne qui la subjugue depuis son premier contact avec elle, quelques années plus tôt. « Aaaah Marseille »… Cité aux multiples facettes, où lumière et soleil conjuguent leurs amours pour « une vie décontractée et détendue », mais ô Marseille, mégapole « sale et bouillonnante, gouaillarde et patibulaire ». Et puis, surtout, Marseille la sulfureuse que le stéréotype décrète « puante, en perpétuelle grève des poubelles, bourrée de cagoles et de timbrés de l’OM », etc. Clémentine récuse cette mauvaise réputation et décide qu’elle peut lui tordre le cou. Elle passe en mode ébullition.
La lumière de Marseille, elle la voit, elle la porte, elle la prône. Elle veut la diffuser en lui rendant ses lettres de noblesse. Passionnée de photographie, elle en sublime déjà les lignes et les facéties de lumières au travers de ses cadrages poétiques. Mais ça ne suffit pas encore. Alors Clémentine creuse, plus profond encore, dans la fougue de ses racines et, encouragée par son entourage, elle accélère sa maturation. C’est un podcast qui doit rétablir la vérité sur la cité plurimillénaire. OK, mais comment ? Quelle est la bonne idée, la bonne formule, et qu’est ce qui intéresse l’auditeur dans un monde du podcast qui s’est diversifié ? Et que peut donc apporter une femme aux intentions dirigées vers le respect ? C’est là que concevoir vers et pour l’autre, sans apparaître soi-même, surgit. Cette esthète altruiste qui ne peut vivre qu’entourée d’eau va se pencher sur le berceau de ceux qui subliment les vies.
Ça y est, Marseille Créative est conceptualisée. Clémentine lui octroie une ligne éditoriale, axée sur quatre catégories : les arts et les artistes ; l’artisanat et les artisans ; la gastronomie et les chefs ; le design et les architectes et autres sculpteurs de l’espace. Voilà un grand pas avancé mais il reste encore beaucoup de nœuds à résoudre. Notamment, comment matérialiser tout ça ? Pour Clémentine, couper sa voix et la moindre de ses interventions est une certitude immédiate. Le déroulé astucieux de ses questions, une fois disparu, doit laisser la place à un récit unique et personnel.
Chaque épisode raconte donc, après post-prod’, l’épopée en monologue du héros, ses histoires, la manière dont Marseille l’a bercé, ses impressions et visions. Comme si personne ne l’avait guidé, il livre une autobiographie spontanée.
« Il y a une telle énergie créative à Marseille ! Elle regorge de personnes bourrées de talents. » Aussi, chaque intervenant de Marseille Créative est du terroir. Du marseillais de vrai de vrai. Tout le monde doit enfin saisir que Marseille enfante de la beauté, qu’elle rend effervescentes les vues et les vies, au lieu de les avilir et les stigmatiser. La seconde ville de France a beau être Capitale européenne, sa réputation de bad girl lui colle à la peau.
Clémentine ne laisse rien au hasard. L’identité visuelle est primordiale ; cette « iconovore » ne la néglige donc pas et confie à Marie Gatti la création du logo. Pour l’ambiance sonore de Marseille Créative, tout doit être parfait pour que le récit se délivre en beauté. Clémentine implique totalement son ingé’ son dans la structure du podcast. Il compose la musique du générique, gère le montage, coupe la voix de la créatrice au passage, etc.
Ce projet autofinancé est une gageure magistrale. Cependant, quand Clémentine le raconte, pas une seule fois elle ne se met en avant. Et pourtant, elle abat un travail de colosse pour se frayer un passage. Stratégie d’investissement absolue gagnante : la première diffusion et Marseille Créative accrochent direct ! Le premier épisode suscite plus de cinq cents écoutes dès la première semaine. Il est numéro un dans sa catégorie. Clémentine reste pourtant focus, car de nombreux autres épisodes sont déjà en préparation.
Pas question, entre autres, de déroger à l’idéologie marseillo-marseillaise. Il y en a encore tellement d’êtres humains desquels écouter les histoires singulières. Marseille et les esprits foisonnants qui la composent peuvent, désormais, compter sur un allié déterminé.
Demander à Clémentine si, selon elle, le bonheur existe, c’est déclencher un énième sourire.
Avec une simplicité touchante teintée de réalisme, elle livre : « des sensations, des émotions, des sentiments peuvent s’en rapprocher et le fait d’être aligné avec ce qu’on fait au quotidien apportent beaucoup de bonheur. En tout cas, faire rend heureux ! »
Aussi, Marseille Créative ne serait-elle pas une messagère invitant à se libérer de ses chaînes, à s’affranchir de ses propres pensées limitées pour aller, tout simplement, vers soi-même ? Pas impossible, car ce podcast, au-delà même de son aguiche, offre de bien jolis et différents niveaux de perceptions.
Jean Madeyski
Rens. : podcast.ausha.co/marseille-creative