Lilly Rush, à l’instar de Blanche-Neige qui voyait des nains partout, ne se déplace jamais sans fantômes. Inspecteur à la brigade criminelle de Philadelphie, elle s’est spécialisée dans les affaires non résolues, les homicides sans coupables ; ce qu’on appelle dans le jargon policier, les « Cold case ». Cependant que les autres flics de la ville s’escriment à capturer le sauvageon du XXIe siècle, l’inspecteur Rush n’aime rien tant que s’occuper des fantômes du passé, des cadavres d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Exemple : un citoyen lambda veut faire toute la lumière sur l’homicide de sa grand-mère tuée dans le Bronx en 1958 par un salopard qui n’a jamais été appréhendé ? Qu’à cela ne tienne, Lilly reprend l’enquête à la demande de l’arrière petit-fils courroucé avec un regard neuf (et bleu pénétrant), son équipe, les progrès scientifiques et son instinct — sacrément aiguisé, l’instinct, hein, mais on n’est pas là pour chicaner. Plus sérieusement, Cold Case, produite par Jerry Bruckheimer, l’homme derrière la franchise Les Experts et FBI : portés disparus, est sa série la plus sombre, mélancolique, malade, car soucieuse de montrer l’invisible, de dire l’indicible, de faire sa petite bêcheuse avec la grande faucheuse, de hurler la vérité après que la mort, la vie et les années, l’ont passée sous silence. Ici, et ce depuis cinq saisons, si le devoir de justice est présent, comme dans tout « Cop-show » qui se respecte, il est surtout question du devoir de mémoire. Car avec le temps, tout ne s’en va pas toujours…
Henri Seard