Réunir foot et théâtre ? Drôle d’idée… Un pari pourtant relevé avec finesse par la compagnie Kartoffeln, qui présentait ce week-end Mon ange gardien sur la très fréquentée pelouse du Prado… (lire la suite)
Réunir foot et théâtre ? Drôle d’idée… Un pari pourtant relevé avec finesse par la compagnie Kartoffeln, qui présentait ce week-end Mon ange gardien sur la très fréquentée pelouse du Prado.
Ce week-end, la pelouse de la plage nord du Prado a accueilli l’entraînement d’un bien étrange binôme. Il faut dire que le foot que pratiquent Véronique Boulard et Denis Barré est quelque peu différent de celui que les fans de l’OM affectionnent. Avec Mon ange gardien, les acteurs veulent « donner à voir » l’isolement du gardien de but au sein d’une équipe. Ce qui le rend différend, la pression qu’il subit. D’où la quasi-absence de textes et l’importance du langage du corps entre les acteurs. Entre passements de jambes et postures ridicules, un homme s’entraîne, seul. Il convoite le ballon comme un objet de désir, l’apprivoise, le capture, ne le quitte pas des yeux. Une femme en survêtement rouge l’observe avec envie, puis surgit dans son dos pour lui piquer la balle. Méfiance et exaspération du gardien qui accepte enfin l’aide de l’inconnue. Elle se pose en coach, il lui obéit. Commence alors un étrange jeu de séduction : le geste est pro, mais la connotation plus profonde. Le jeune public ne comprend pas, s’impatiente… Enfin, ils parlent ! « Le gardien de but doit sans cesse s’entraîner. Il ne doit jamais perdre son sang-froid. Le gardien est un homme qui assure. Je veux un homme qui assure. » La jeune femme hurle ces phrases courtes, les récite militairement comme autant de sentences que le joueur doit graver dans son esprit. Il est seul face à l’arbitraire. Le ballon ira-t-il à droite ou à gauche ? Incertitude et frustration sont le lot du gardien. Seul dans la cage, il ne gagne jamais. Au mieux, il arrête le tir d’un autre. « Il porte le numéro un, mais ne gagne jamais », poursuit-elle. Elle tire encore et encore. La balle s’engouffre dans la cage. La jeune femme disparaît. Un ballon crevé entre les gants, seul face à l’absurde, le gardien attend. Tragique destin. On lui en veut. Le public est sous le charme et l’on sent comme une prise de conscience : ça ne doit pas être facile à vivre… Un joli clin d’œil aux fondus du ballon rond et à notre Barthez national, qui annonçait au même instant son départ en retraite.
Texte : Jennifer Luby
Photo : Anne Loubet
Mon ange gardien était présenté le week-end dernier sur les plages du Prado