Connectivités expo semi-permanente au Mucem
En quête de polis
Après quatre ans dédiés à la thématique des Ruralités à la Galerie de la Méditerranée, le Mucem présente sa nouvelle exposition semi-permanente axée sur les Connectivités reliant les différentes cités du territoire méditerranéen. De Marseille à Istanbul, en passant par Le Caire, Gênes, Séville ou encore Venise, il s’agit d’activer la mémoire de plus de 350 œuvres, la plupart inédites, et de faire interagir des lieux d’importance historique. Une visite aux multiples facettes.
Vous rentrez dans l’expo et, machinalement, vous vous dirigez à gauche, attiré(e) par la lumière. Vous voici à Istanbul, en plein XVIe siècle. Normal, vous êtes rentrés par l’Est. Vous apercevez, au loin, un étendard ottoman en taffetas de soie, un casque de soldat, ainsi que des tableaux et des céramiques récemment restaurés. Par la droite, vous avez remarqué que l’on présente la même ville, mais de manière contemporaine. Pourquoi un tel saut dans le temps ? Vous vous plongez alors dans le contexte de l’époque, de l’impôt perçu sur les marchandises provenant du Nouveau Monde, dans les récits de piraterie survenus au large d’Alger, la rivalité entre Gênes et Venise, chacune alliée à l’une des deux grandes puissances de l’époque. Mais votre regard est intrigué par la tablette lumineuse qui vous fait face dans le couloir plus sombre, dédié au contemporain. Il s’agit de maquettes réalisées par les étudiants en architecture de l’ENSA-M (École nationale supérieure d’Architecture de Marseille), qui tracent les contours de deux mégapoles et de deux métropoles, mettant l’accent sur leurs spécificités par l’attribution d’un titre. Vous comprenez alors que vous avez le choix, en tant que public, de transgresser les règles de la chronologie et, d’une époque à une autre, d’établir votre parcours. C’est d’ailleurs le choix fait par la commissaire d’exposition Myriame Morel-Deledalle, historienne et archéologue, qui a décidé de s’inspirer de la thèse de Fernand Braudel de 1949 visant à considérer l’histoire selon une méthode atypique. En effet, dans La Méditerranée et le monde méditerranéen, le discours est de l’envisager non plus comme une succession de dates qui feraient à elles seules « événement », mais au sein d’une démarche contextuelle qui se focaliserait sur la situation dans son ensemble. Ainsi, les XVIe et XVIIe annonceraient les prémisses d’une mondialisation dont nous en observons aujourd’hui encore les conséquences. En abondent les témoignages de philosophes, paysagistes, mais aussi urbanistes, sociologues ou économistes, qui nous permettent de comprendre l’évolution de ces cités sous des focales diverses. Mention spéciale, également, à ces œuvres qui nous permettent de les appréhender d’un point de vue plus intimiste, à l’image de la vidéo Iz(s)mirn, issue de la rencontre fortuite de deux artistes aux univers différents qui partent à la recherche de leurs origines communes grâce aux récits de leur aïeules respectives. Ou à l’instar de cette autre vidéo relatant un débat idéologique au Caire à l’occasion du déplacement de la statue de Ramsès II. L’exposition rassemble ainsi les dialogues, mais aussi les structures culturelles, avec la présentation de plus de 350 œuvres, dont la plupart sont issues de leur réserve personnelle et dont plus de cinquante du Mucem sont enfin rendues visibles.
L’exposition se clôture en un sens unique sur une réflexion relativement ouverte sur la question des migrants, puis par l’installation à Marseille, la « ville nature », de l’une des plus grandes centrales de data numériques au monde, dont la majorité circule sous la Méditerranée. Comme une manière de questionner les nouvelles modalités de circulation de cet espace luxuriant, et complexe.
Laura Legeay
Connectivités : expo semi-permanente au Mucem (7 promenade Robert Laffont, 2e).
Rens. : 04 84 35 13 13 / www.mucem.org
Cycle « Petits voyages en mer », programmation de spectacles en lien avec l’exposition : du 29/12 au 7/01.
Le programme complet du cycle Petits voyages en mer ici