Cooking with Martines Schmurpfs au Théâtre des Bernardines

L’interview
Clara Le Picard (Compagnie A Table)

 

Écrivain, scénographe et comédienne, Clara Le Picard se glisse dans la peau de Martines Schmurpfs, scientifique un brin déjantée, pour nous mettre face à notre rapport avec la nourriture. Une expérience drôle et noire, parfois cruelle, pour alimenter les esprits.

Qui est Martines Schmurpfs ?
C’est une scientifique autodidacte. Elle est comme ces experts que l’on voit à la télé, qui nous assènent des pseudo vérités et nous abreuvent de discours scientifiques pour faire passer tout et n’importe quoi. Elle est très naïve, très premier degré dans son discours, et c’est ce qui fonctionne dans sa méthodologie.

Comment travaille-t-elle justement ?
Elle pose la question de la vérité via sa posture de scientifique. Elle énonce des « vérités » que tout le monde connaît pour les avoir vues à la télé ou lues dans les journaux, en les mettant les unes à la suite des autres. Au final, elle en arrive à une conclusion différente de celle que nous donne l’actualité. Grâce à sa naïveté, à cette manière d’enfoncer des portes ouvertes et de passer d’une vérité reconnue à une autre, de manière très sérieuse, elle amène le spectateur à se poser des questions sur sa propre « consommation » de l’information et sur ce qu’il sait réellement.
Pour cette recherche, Martines a eu besoin de se cloner car c’est un boulot immense qui nécessitait de l’aide. Elle se loupe plusieurs fois avant de réussir à se cloner parfaitement et ses clones sont avec elle sur scène.

Dans Cooking with Martines Schmurpfs, vous abordez le thème, très large, de l’alimentation…
L’alimentation est un problème de santé publique à court, moyen et long terme. Ça a des impacts économiques, sociaux, sanitaires et ça régit le monde dans lequel on vit. Martines fait le bilan de l’alimentation en général, des OGM à la création de tissus musculaires en laboratoire, en passant par les clonages animaux…
Et bien sûr, elle raisonne sur l’homme et son alimentation, que ce soit par rapport à l’organisation économique ou géopolitique, le côté narcissique avec les régimes, le fait de bien manger pour être heureux, en bonne santé… Beaucoup de grands problèmes de société tournent autour de l’alimentation.

Dans le titre, on retient le terme Cooking (cuisiner), quelle en est la signification ici ?
La conférence est un cours de cuisine/spectacle pour que ce soit plus ludique. Il y a de grosses catastrophes qui nous attendent, alors autant les prendre avec le sourire… Un peu comme les musiciens du Titanic.
L’idée du colloque, c’est de donner un kit de survie aux spectateurs pour lutter contre tous les problèmes liés à l’alimentation. On leur enseigne les rudiments de base : éplucher une carotte, faire du beurre, etc. Car le fait de tout acheter et de ne plus cuisiner fait aussi partie du problème.

Pour une conférence scientifique, ça semble plutôt drôle…
Pas tout à fait. Il y a des chansons, des lumières mais les infos en elles-mêmes sont horribles. On donne le nombre de morts de faim chaque jour, le nombre d’enfants qui meurent toutes les cinq minutes, etc. C’est affreux mais mon clone et moi, on en rajoute, on rigole sur scène, on est épaté par les OGM, on se moque des autres clones. C’est de l’humour très noir, on incarne les extrêmes pour faire bouger les gens. Ils rient, mais ils entendent très bien les infos. Rire permet de mieux les intégrer ; c’est très cruel, mais ça fonctionne. Si on l’avait fait de manière dramatique, ça aurait été rangé dans les infos que l’on entend à la télé, ça n’aurait pas eu le même impact.

Quelles réactions attendez-vous du public ?
Faire réfléchir, arrêter de penser que les choses sont données pour rester telles quelles alors que la science bouge, évolue. Par paresse intellectuelle, on est parfois content que les scientifiques nous offrent des solutions sur un plateau, et on arrête de réfléchir. Sauf que les choses évoluent et nos réalités ne sont plus vraies. Résultat : on se retrouve en décalage dans notre perception du monde.
On essaie de faire en sorte que le public soit tenté de se forger sa propre vision du monde. Martines replace l’humain au centre de sa réflexion. En général les retours sont bons, on nous dit : « On a bien ri, on s’en est pris plein la tronche et maintenant on se pose davantage de questions. »

Martines est-elle une moraliste ?
Non, elle est réaliste. Il y a de grands dysfonctionnements dans notre système alimentaire, il faut faire quelque chose. Elle représente un peu le super-héros qui sommeille en chacun de nous.

Propos recueillis par Aileen Orain

 

Cooking with Martines Schmurpfs  : du 20 au 22/02 au Théâtre des Bernardines  (17 boulevard Garibaldi, 1er).
Rens. 04 91 90 07 94 / www.minoterie.org

Pour en savoir plus : www.compagnieatable.com