Corps à Cordes présenté au Théâtre du Jeu de Paume (Aix-en-Provence)
A cordes et à cris
Puisant dans le réservoir cinématographique, explorant les replis de notre mémoire collective musicale, à la fois saltimbanques et poètes, les virtuoses du Quatuor transcendent les générations, dans une mise en scène échevelée.
Ils arborent fracs à queue de pie et chemises immaculées, ont le cou étranglé par des nœuds papillons noirs, dans la plus pure tradition du « sérieux » de cette musique de chambre qu’ils vont s’amuser à détourner. Tout y passe : du Brassens à Michael Jackson (l’inoubliable Thriller revisité par les quatre compères, pelvis déchaînés et mains entre les jambes compris, vaut à lui seul le déplacement), ces quatre-là sont à couper le souffle. Sur la scène, un alto, deux violons et un violoncelle : un bref passage débridé pour batterie et guitare électrique, mais pour l’essentiel… que de la corde ! Ce quartette-là a plus d’une corde à son art. Certes, la métaphore est facile. Et pourtant… Combien de musiciens peuvent prétendre à cette virtuosité-là et en même temps transmettre une telle adrénaline ? Jimmy Hendrix se déchaînait sur sa guitare avec les dents, le Quatuor fait de même, armé de peignes en guise d’archets. Ils chantent, dansent, miment sur une scène dépouillée, que seule la création lumières de Philippe Quillet vient sublimer : halo bleuté pour un jazz burlesque, lueur jaune et sourde pour une ambiance sacrée. Ramassant leurs vestes au-dessus de leurs têtes, tenant leurs violons face à eux comme une croix, ils livrent une parodie de Pieta. Une musique médiévale modulée, une chanson de geste parodiée, et nous voilà propulsés dans un Moyen-Age burlesque. En rang d’oignons sur le devant de la scène, yeux arrondis et mains derrière le dos, en position de récitants, ils jouent aux Choristes. Un karaoké s’improvise : les spectateurs se servent du balcon pour taper le rythme avec les musiciens, ceux des premiers rangs sont presque debout. Sur l’écran, les textes sont savamment détournés. On rit à s’en décrocher la mâchoire, on en redemande, emportés dans cet univers passionné et exaltant. On manque de superlatifs pour qualifier cet espace magique, ubuesque, en un mot, magnifique !
Texte : Bénédicte Jouve
Photo : Didier Pallages
Corps à Cordes était présenté du 12 au 19/05 au Théâtre du Jeu de Paume (Aix-en-Provence)