Cosmigimmicks de l’Ensemble C Barré
Treize à l’écoute
Musicatreize accueille l’Ensemble C Barré dans un programme centré autour de Cosmigimmicks, « une pantomime musicale pour sept instrumentistes » de la compositrice Unsuk Chin. La collaboration entre les deux structures musicales phocéennes ne date pas d’hier et l’invitation satisfait, dans la primeur d’une nouvelle année, leurs souhaits les plus pressants.
Dans cette œuvre, l’artiste coréenne exploite la notion de gimmick (bien connue des jazzmen) et en capitalise l’expérience en la considérant comme le ferait un peintre cubiste, sous tous les angles, dans toutes les lumières. Elle en assemble les formes simples au cours d’une opération de synthèse dans laquelle, parmi les sept instruments de l’orchestration, quatre (piano préparé, violon, trompette et percussions) voient leurs timbres déguisés dans des rôles travestis dont le théâtre produit à l’oreille ses effets en trompe-l’œil, instables, phosphorescents, intrigants ou récréatifs, réussissant ainsi à fusionner avec les cordes pincées (guitare, harpe et mandoline) par un réflexe d’accommodation fondé sur l’analogie et la profondeur comparable à la mise au point du cristallin.
L’Ensemble C Barré s’applique, sous la direction de Sébastien Boin, à en serrer au plus près la vérité acoustique, tangible et concrète, qui ne loge jamais entièrement sous les intentions platoniques de l’écriture mais en ouvre le sens. Ce faisant, l’Ensemble rend justice à cet art de la mise en scène des figures musicales, concentrées et identifiables ici comme des gimmicks, à quoi l’on reconnaît la manière d’Unsuk Chin. La présence ludique des musiciens et le dispositif scénique écartent imperceptiblement les limites de la musique purement instrumentale vers une autre modalité de représentation. Le concerto grosso de chambre se transforme en théâtre de silhouettes qu’un même écosystème sonore, partagé par une créatrice et ses interprètes non moins inventifs, anime comme les fantasmagories d’une lanterne magique où fourmille le petit monde des Cosmigimmicks.
Les ensembles Musicatreize et C Barré se produiront également le 31 janvier dans le cadre de la Halle des Musiciens, manifestation organisée par la Fédération des Ensembles Vocaux et Instrumentaux Spécialisés (FEVIS) au Liberté-Scène nationale, à Toulon. La formation vocale de Roland Hayrabedian y donnera Chanter l’Icône de Michel Petrossian, dont la modernité s’origine dans le chant liturgique orthodoxe comme un terme-limite dans une série logique. La formation instrumentale de Sébastien Boin présentera Le Cancionero sin Palacio, la toute dernière œuvre commandée au compositeur Mikel Urquiza, qui s’inscrit également dans les marges blanches offertes à la postérité par les œuvres passées. Un réemploi de la musique renaissante espagnole d’une grande fertilité de conception que C Barré vient d’enregistrer pour le label L’Empreinte Digitale.
Les deux ensembles marseillais, résolument au service des musiques de notre temps, se plaisent à jouer des chronologies, à proposer des rapprochements stylistiques qui n’ont pour confins que ceux de l’imagination des créateurs dont ils aiment à s’entourer. Peut-être entendrons-nous un jour les douze chanteurs de Musicatreize et les douze instrumentistes de C Barré, de concert sur scène, partager la belle harmonie de leurs proportions et de leurs aspirations dans une œuvre spécifiquement dédiée ?
Il est encore temps de formuler des vœux…
Roland Yvanez
Cosmigimmiks par l’Ensemble C Barré : le 21/01 à la Salle Musiactreize (53 rue Grignan, 6e).
Rens. : 04 91 00 91 31 / www.musicatreize.org