Le festival Les Informelles tente l’expérience du voyage. Dans un rapprochement entre la France, la Belgique, la Russie et l’Italie, des associations se mettent en place et deviennent le lieu d’un théâtre, d’une programmation proposée aux Bernardines.
Le festival Les Informelles tente l’expérience du voyage. Dans un rapprochement entre la France, la Belgique, la Russie et l’Italie, des associations se mettent en place et deviennent le lieu d’un théâtre, d’une programmation proposée aux Bernardines.
Que nous dit cette femme dont la main effleure les rideaux ? Elle regarde le temps, elle regarde une ombre ? Elle voit les choses en grand, un halo la traverse, et dans un jeu d’équivalence, elle affronte la lumière. Elle vit dans un moment d’attente, une présence en devenir dans l’auréole du canapé. L’importance des fleurs, la présence du sac, le tapis de David Hockney. Tout est frontal, tout est carré, tout est photographié, peint, pensé. Une sensation d’hyper réalité, est-ce la France, une idée de la France, ou très loin ailleurs ? Pourtant, tout nous semble familier, dans un air de déjà-vu. On connaît cette histoire, on en devine les passages, cette autre entrée qui nous appelle, cette porte entrouverte, la lumière de l’autre pièce. Combien sont-ils ? Le théâtre devient un gage, un jeu de piste et de géométrie, une image écran sur les traces d’Edward Hopper, un rêve de cinéma. Il est beaucoup question du déplacement dans la programmation des Informelles, déplacements rejoués trois fois chez Mladen Matric avec Séquence 3. Déplacements filmés pour Laurence Vieille et Jean Michel Agius avec Etat de marche. On explore un territoire, on l’agrandit, on en saisit les couleurs et les sons, la matière est documentée, comment va-t-elle jouer le jeu de la fiction ? Dans Agamemnon, la chaise est le point de fixation, d’une présence, celle d’une femme en noir, une autre présence bouge par le jeu des bras, la danse donne des directions utilisant l’espace des Bernardines comme un lieu du passé. La tragédie grecque n’est pas prononcée, elle passe par le bougé, une énergie, une respiration, une autre manière de dire les choses ; il reste la preuve, le cœur arraché. Il reste les notes d’Alain Fourneau, ce voyage en Russie, la rencontre d’interprètes. Napoli express est une remontée des souvenirs (les cartes postales) et de l’expérience de cette ville dans une collaboration à deux. Tant de choses à dire et à voir sur Naples, les hauteurs et ses ambassades, le quartier d’affaires en copier-coller de la Défense, les vierges à l’entrée des ruelles, Naples est tout et son contraire, Naples est un monde en soi avec son bruit et ses décors, ses recoins, ses dialectes, participant à son propre mythe. Population visible et cachée, Naples nous apprend beaucoup sur Marseille. Dans une polyphonie des sens, Benoît Bradel met en place une proposition « scénicomatographique » sur une partition d’Anne James Chaton. L’homme vibre, il s’agite, il se déplace, il rencontre encore et toujours, déplaçant sa caméra ou son corps, il emmène le théâtre dans ses bagages, il le déplie sur un carré de verdure, il l’expose à la lumière, le replace dans le contexte du souvenir pour le faire revivre sur la scène. Les Informelles placent l’idée du théâtre sur des époques et des situations géographiques, des allées et venues, une certaine idée de l’Europe.
Karim Grandi-Baupain
Les Informelles, festival de théâtre en recherche. Jusqu’au 10/06 aux Bernardines, à la Minoterie, aux Argonautes et à Montévidéo. Rens. 04 91 24 30 48