Coupures II : boutures et nouvelles moutures
L’association Polly Maggoo, structure de distribution alternative, cultive sa différence aux Bancs Publics avec la soirée Coupures II… (lire la suite)
L’association Polly Maggoo, structure de distribution alternative, cultive sa différence aux Bancs Publics avec la soirée Coupures II
Coupures pour le clap du cinéaste qui tourne, mais aussi pour le coup de ciseaux ou le clic de souris du monteur, qui réécrit le film. Beaucoup des films montrés lors des soirées Coupures (une première édition a déjà eu lieu en mars 2004) relèvent de la pratique du found footage : ils sont créés à partir de films de fictions, grands classiques du cinéma souvent, coupés, collés et samplés, dans un détournement révélateur des espoirs et des tabous sous-jacents à l’image initiale. Créés à partir de films hollywoodiens, des films comme ceux de Martin Arnold jouent sur la répétition, l’arrêt sur image, le ralenti, et révèlent, derrière les acteurs et les décors, les espoirs et les tabous de la société américaine.
C’est donc un cinéma différent que Polly Maggoo nous invite à visionner ce samedi aux Bancs Publics. L’une des projections s’intitule d’ailleurs « Le cinéma imaginaire », et présentera des films de Brice Dellsperger, Peter Tscherkassky, Tony Wu… qui tous travaillent l’art du sampling visuel et du détournement, à la fois de l’image et des clichés véhiculés par les films de fiction. En projection permanente, le jeu vidéo sera également revisité par le Game over de Yan Duyvendak. Réalisateur-performeur, Duyvendak se met lui-même en scène pour parodier les héros du genre. Dans un costume en latex, son personnage à la gestuelle robotisée déambule dans un parking souterrain, et tente d’ouvrir des portes… qui ne s ‘ouvrent pas.
Cette Coupures II sera également et surtout l’occasion d’une rétrospective de moyens et courts métrages de Nicolas Provost. Inattendus, lyriques, poétiques comme la rencontre sur une piste de kart d’un faon et d’enfants aux visages maquillés (Oh Dear !), les films de Nicolas Provost sont de ceux qui vous touchent en plein cœur. Le dernier, The Diver, est une brève fantasmagorie où l’image et le son composent la narration. Une femme assise sur le rebord d’une terrasse regarde un feu d’artifice. Un homme entre dans le champ en même temps que la musique se fait grandiloquente et que le feu s’achemine vers son bouquet final. Une fois le bouquet tiré, la musique décline et l’homme s’éloigne, laissant la femme seule. Dans les films de Provost, les sons et la musique sont toujours partie prenante de la construction dramatique, au même titre que l’image. Dans des films plus expérimentaux comme Papillon d’amour, la musique, envoûtante puis déchirante, accompagne les métamorphoses de la femme, la confusion entre l’humain et l’animal. Quels qu’ils soient, le films de Provost, qu’il qualifie lui-même d’« œuvres d’art visuel », ont en commun un souci plastique exacerbé. Les films-miroirs en sont particulièrement représentatifs. Exercices de stylisation qui jouent sur la répétition frénétique (le ludique et jouissif I hate this town) ou démultiplient l’image en leur centre (Pommes d’amour, Bataille, Papillon d’amour), ils reprennent des images de Resnais, Bergman, ou Kurosawa. Au centre de l’image, les corps sont fusionnés ou fragmentés, faisant de celle-ci une sorte d’origami qui interroge l’identité, l’amour ou la lutte. Comme les personnages de Pommes d’amour qui n’embrassent finalement qu’eux-mêmes, nous nous reconnaissons en eux, comme dans un miroir.
Mélanie Rémond
Le 11/03 aux Bancs Publics. Rens. 04 91 64 60 00