Du timbre au tweet, notre génération est le témoin d’une évolution radicale de nos moyens d’échange à distance. Nous raconterons à nos petits-enfants que nous collions notre langue sur un petit morceau de papier au goût infect pour poster un courrier analogique avant qu’un type sympa ne parte à pinces le lendemain matin à la recherche de notre destinataire. Le temps et la matière sont désormais des obstacles insignifiants. La technique donne à ceux qui la possèdent l’opportunité de conserver l’ensemble des données produites. Et compte tenu des capacités de stockage toujours grandissantes, nous pouvons tenir pour acquis que l’ensemble des données numériques produites sera conservé pour l’éternité.
Les services de renseignement, et donc l’Etat, à travers la loi sur le renseignement, se donnent l’autorisation de collecter massivement et systématiquement les communications. Et de les utiliser a posteriori contre quiconque pour des motifs souvent très flous, laissant toute latitude à abuser de nos droits. Snowden nous a appris que la NSA aux Etats-Unis pratiquait cela. Leur Parlement en revient. Le journal Le Monde nous apprend que cette collecte massive existe en France dans un programme tenu secret sous l’égide et dans les locaux de la DGSE. Notre Parlement approuve. Ils le font car ils le peuvent. Et ils ne lâcheront pas le morceau. Cette loi leur servira pour les décennies à venir. Elle pourrait avoir pour effet de diminuer notre capacité de réaction. Par la menace immanente d’une « surveillance-punition », nombre de contestations resteront sourdes. Pas forcément muettes. Si la surveillance est systématique, le chiffrement et l’anonymat devront le devenir. Nous n’aurons d’autre choix que d’utiliser les moyens à notre disposition pour conserver notre intimité. Nous chiffrerons la photo du chat et la liste des courses. Qui veut son quart d’heure d’invisibilité ?
Victor Léo