Courbet, Degas, Cézanne… Chefs-d’œuvre réalistes et impressionnistes de la collection Burrell au Musée Cantini
Les couleurs du sentiment
Au Musée Cantini, les chefs-d’œuvre de la collection Burrell rendent grâce à l’impressionnisme et à l’École de Barbizon. Les peintures inédites de Courbet, Degas ou Manet voyagent pour la première fois en France, pour le plus grand plaisir des amateurs d’art.
« Ces peintres tâchent avant tout de pénétrer le sens exact des choses, ils interprètent leur époque en hommes qui la sentent vivre en eux, qui en sont possédés. Leurs œuvres sont vivantes, parce qu’ils les ont prises dans la vie. » Cette référence à Émile Zola suffit à refaire jaillir toute la puissance de l’impressionnisme. Des moments fugaces d’une France du XIXe siècle ravivés en un instant par ces aplats de couleurs, ces traits vifs et cet éclat qui rend toute son énergie au tableau. Si nombreux sont les exemples en France de ce mouvement emblématique, certaines pièces de l’histoire nous étaient tenues secrètes, parties ravir les yeux étrangers. Et, pour la première fois, Marseille découvre quelques-uns de ces chefs-d’œuvre acquis par Sir William Burrell auprès du marchand d’art écossais Alexandre Reid, au XXe siècle. Ce grand collectionneur avait, à la fin de sa vie, légué tout son art à la ville de Glasgow.
Les visiteurs du Musée Cantini peuvent alors admirer des toiles inédites de Courbet, Cézanne, Degas ou encore Manet, avec notamment Le Jambon. Dans une scénographie simple, les tableaux trônent dans cet immense espace vide. Si les salles consacrées à la collection ne sont pas nombreuses, elles dévoilent tous les noms illustres de l’art du sentiment et du réalisme. Une fois le pied posé sur la dernière marche de l’escalier, en levant la tête, absolument rien ne peut détacher notre regard de cette huile de Gustave Courbet, L’Aumône d’un mendiant à Ornan. Un conte moral grandeur nature où l’on observe un mendiant faisant la charité à un enfant plus pauvre que lui. Le réalisme du visage de l’homme s’avère hypnotique et le sentimentalisme de la toile ne manque pas de faire bondir le cœur.
Réunir toutes ces peintures pour la première fois en France est « émouvant pour tous ceux qui connaissent bien ces œuvres par la reproduction — principalement en noir et blanc — sans jamais avoir eu la chance de les admirer “pour de vrai” », s’exalte Xavier Rey, directeur des Musées de Marseille. Le président de Burrell Renaissance à Glasgow, Angus Grossart, ne manque pas de montrer son enthousiasme suite à ce prêt à la ville de Marseille : « L’exposition itinérante des tableaux français marque le début d’un chapitre haut de gamme dans l’histoire de la Burrell Collection. Il témoigne de l’ampleur et de la qualité des dons de collecteur de Sir William, mais aussi de ses perspectives d’ouverture sur le monde. » Cette ouverture, c’est par l’art qu’elle s’opère. Avant d’abord été considéré comme un genre décadent, l’impressionnisme, annoncé par les tableaux de Corot et de Daubigny, fait aujourd’hui partie du patrimoine français et demeure l’un des plus grands mouvements picturaux. Chacun s’arrête pour contempler la douceur vivifiante des scènes d’eau d’Eugène Boudin. La tranquillité, la fraîcheur de l’air et les nuages rosés d’une fin d’après-midi apaisent le cœur et l’esprit. Même chose pour les campagnes de Jean-François Millet qui respirent la simplicité et le repos. C’est cette essence de vie que l’artiste aimait tant peindre, comme il l’expliquait : « Ce que je connais de plus gai, c’est le calme, le silence, dont on jouit si délicieusement, ou dans les forêts, ou dans les endroits labourés… »
Viennent ensuite, dans la dernière salle, les œuvres tant prisées de Degas et de Cézanne. La Répétition d’Edgar Degas domine de loin. Les danseuses, vivantes par un trait concis et passionné, se pavanent devant nous, comme nous l’avions imaginé. Elles saluent les trois autres tableaux de l’artiste présentés dans cette collection. Quant à Cézanne, notre Provençal bien connu, il s’affiche avec Le Château de Médan, peinture sublime où les reflets verdoyants sont rois. Enfin, le Musée des Beaux-Arts du Palais Longchamp vient compléter cette exposition hors-norme en déménageant quelques-uns de ses chefs-d’œuvre du réalisme et le l’École de Barbizon. Les visiteurs pourront alors redécouvrir Le Cerf à l’eau et le Portrait d’André Grangier de Courbet, ainsi que des œuvres de Millet, Corot ou encore Monticelli.
Maud Van de Wiele
Courbet, Degas, Cézanne… Chefs-d’œuvre réalistes et impressionnistes de la collection Burrell : jusqu’au 23/09 au Musée Cantini (19, rue Grignan, 6e).
Rens. : 04 91 14 64 63