Cycle «Planète science-fiction» à l’Institut de l’Image
Vers l’infini et au-delà
L’Institut de l’Image consacre son mois d’avril au cinéma de science-fiction et propose de redécouvrir dans l’écrin de la salle obscure une quinzaine de classiques, ainsi qu’une poignée de curiosités du genre le plus prisé des spectateurs.
Dans le chapiteau d’une foire parisienne, une étrange boule jaune au sourire goguenard grossit paisiblement sur un écran de toile quand un énorme suppositoire volant vient inopinément se planter dans son œil. Nous sommes en 1902, et l’illusionniste Georges Méliès vient de créer, avec Le Voyage dans la lune, l’image totem du cinéma de science-fiction. Genre populaire de la littérature né au XIXe siècle sous la plume de Jules Verne (20 000 lieux sous les mers) et Herbert George Wells (La Machine à explorer le temps), la science-fiction choisit d’explorer le futur et le passé en donnant corps aux hypothèses scientifiques les plus hasardeuses. A l’image du polar, elle a su très vite faire cohabiter les succès littéraires autant que les triomphes cinématographiques pour devenir, au fil du XXe siècle, le genre le plus prisé des spectateurs, comme en témoignent les consécrations populaires sans précédent de Star Wars ou Avatar. Bien que souvent délaissé par la critique institutionnelle, le genre peut s’enorgueillir de proposer, dans ses meilleurs opus, de profondes réflexions philosophiques, allant du questionnement métaphysique à la satire politique. Des réflexions complexes et contemporaines rendues digestes par un imaginaire ludique. A travers une programmation variée s’étirant sur près de cent ans de cinéma, l’Institut de l’Image propose de (re)découvrir en salle plusieurs classiques du genre, saupoudrés de quelques petits ovnis cinématographiques, balayant ainsi les nombreuses problématiques qui l’agitent depuis sa naissance. La science-fiction relatant souvent les angoisses synchroniques de son temps, on retrouvera dans le monumental Metropolis de Fritz Lang (1927) l’urgence de la lutte des classes mêlée à la peur du totalitarisme. La vague d’invasion extraterrestre des années 50 (Les Soucoupes volantes attaquent de Fred Sears), que Spielberg singera en 2005 en réadaptant La Guerre des mondes de Wells, demeure quant à elle une parabole évidente de la peur d’un conflit imminent avec l’URSS. Avec les années 80, la démocratisation de l’informatique et l’arrivée des effets spéciaux à grand spectacle, c’est l’image d’un monde où se confondent hommes et robots que James Cameron (Terminator) et Ridley Scott (Blade Runner) questionnent à travers le pouvoir des machines, créations humaines par excellence, en passe de dépasser en tous points leurs concepteurs. Questionnement au cœur du chef-d’œuvre de Kubrick, 2001, l’Odyssée de l’espace, qui retrouvera en salle tout son pouvoir hypnotique. Au rayon des curiosités, on notera le photo-roman de Chris Marker La Jetée et sa boucle temporelle reprise par Terry Gilliam trente ans plus tard dans L’Armée des douze singes, ou la troublante histoire d’amour de Her, permettant à Spike Jonze la prouesse de nous faire verser une larme devant la romance déchirante entre Joaquin Phoenix et son smartphone, immergés dans un futur génialement inspiré. Enfin, il ne faudra pas manquer la performance de Scarlett Johansson dans Under the skin en alien froide, assoiffée du désir masculin, monstre vorace à la beauté toxique dans une Ecosse baignée d’une terreur indicible. Expérience intense et dérangeante qui fut la grande sensation cinéphilique de l’été 2014.
Au final, une programmation axée sur des valeurs sûres qui pâtit peut-être d’un léger manque d’audace, mais qui enthousiasmera autant les amateurs que les néophytes.
Daniel Ouannou
Cycle « Le cinéma de science-fiction » : du 1er au 26/04 à l’Institut de l’Image (Cité du Livre, Salle Armand Lunel – 8/10 rue des Allumettes, Aix-en-Provence).
Rens. : 04 42 26 81 82 / www.institut-image.org
Le programme complet du cycle « Le cinéma de science-fiction » ici