Cycle « India ! »
Feux de Bengale
Le premier cycle proposé en 2024 par l’équipe de l’Institut de l’Image d’Aix-en-Provence se penche sur la richesse du cinéma indien. Et c’est non sans plaisir que nous pouvons découvrir les plus belles pages d’une cinématographie hors du commun.
Longtemps considéré comme le plus important pays au monde producteur de films, l’Inde entretient depuis de nombreuses décennies un rapport tout à fait particulier avec l’image en mouvement. Et mouvement n’est pas un moindre mot, lorsque l’on déroule une filmographie où le geste dansé s’empara des trames même du récit cinématographique. Cette colossale production de comédies musicales populaires indiennes, rassemblée un peu trop rapidement sous le terme Bollywood, accoucha d’un genre bien spécifique, et particulièrement codifié. Elle ne doit nullement, par ailleurs, dissimuler tout un pan de la création du pays, qui se libéra des règles pour prendre d’autres chemins de traverse, et construire une cinématographie tout à fait exaltante. En réalité, on peut affirmer qu’il existe plutôt des cinémas indiens, une mosaïque de courants en lien avec la géographie indienne et la spécificité des régions.
L’Institut de l’Image d’Aix-en-Provence lui consacre ainsi son premier cycle de l’année 2024, India ! : profitant des récentes — et magnifiques — versions restaurées en copies numériques, cette programmation nous offrira un portrait kaléidoscopique d’une cinématographie de toute beauté, encore trop peu connue d’un large public.
À commencer par la fameuse trilogie d’Apu de Satyajit Ray. Si Le Salon de musique reste l’un des titres les plus fameux du cinéaste bengali, il est urgent de se (re)plonger au cœur de ce triptyque, pour mieux appréhender le génie de Ray. C’est en découvrant l’œuvre de Jean Renoir, notamment lors de son tournage en Inde pour Le Fleuve, auquel il participera, que le cinéaste prend pleinement la dimension d’une écriture cinématographique délicate et intelligente, en décors naturels, qui instillera l’ensemble de son œuvre, à commencer par la trilogie d’Apu. Trois films qui narrent la vie d’Apu, né dans une famille pauvre, de sa naissance au passage à l’âge adulte, et qui ressortirent en salles dans leur version restaurée en fin d’année 2023, pour le plus grand bonheur de tous cinéphiles. La Complainte du sentier, L’Invaincu et Le Monde d’Apu firent découvrir au monde entier, au milieu des années cinquante, d’autres formes créatives du cinéma indien, et reste à ce jour un pur joyau cinématographique rarement égalé. Soulignons par ailleurs la projection d’un autre opus du cinéaste bengali, La Maison et le monde.
Un autre grand nom du cinéma indien a retrouvé le chemin des salles obscures en 2023, toujours en copies restaurées, également présent dans ce cycle : avec Un jour avant la saison des pluies et surtout Duvidha (Le Dilemme), nous découvrions (les œuvres n’avaient jamais été diffusées en France) le cinéaste né au Rajasthan Mani Kaul, dont la quête poétique nourrira des opus d’une puissance cinématographique totale.
Cette programmation de haut vol s’achèvera avec un grand classique plus ouvert au marché international, le Salaam Bombay ! de Mira Nair, mais surtout avec Dunki de Rajkumar Hirani, que présentera le dimanche 21 janvier Hélène Kessous, co-commissaire de la fameuse exposition Bollywood Superstars !, qui eut lieu l’année dernière au Musée du Quai Branly.
Emmanuel Vigne
Cycle « India ! » : jusqu’au 28/01 à l’École supérieure d’Art Félix Ciccolini (Aix-en-Provence).
Rens. : www.institut-image.org
Le programme complet du cycle India ici