Dans la brume électrique – (USA/France – 1h57) de Bertrand Tavernier avec Tommy Lee Jones, John Goodman…
L’essai passé
A ceux qui étaient tentés de faire du dernier film de Tavernier une sorte de chef-d’œuvre maudit, fruit d’une lutte acharnée entre le « gentil » artisan français et la monstrueuse machine hollywoodienne, Dans la brume électrique offre une réponse presque aussi frustrante que prévisible. Il faut dire que l’œuvre du Lyonnais, oscillant entre relents de cinéma « qualité française » poussiéreux (Le juge et l’assassin), déterminisme social franchement appuyé (L’appât) et tentative presque réussie de film de genre politique et énergique (L.627), ne s’est jamais hissée au niveau auquel elle pouvait légitimement prétendre. La première bobine de Dans la brume électrique semble enfin nous faire mentir, surprenant par son sens précis des « à côtés » de la fiction et un plaisir à décrire la géographie américaine, la mythologie inscrite en elle. On se dit alors furtivement que l’odeur du bayou a transformé Tavernier en un Tourneur, version cajun. Las, il faut juste une demi-heure à l’auteur de Laissez-passer pour retomber dans ses travers (psychologie bavarde, récit sur-écrit) et, progressivement, passer à côté de son film. Hanté par le passé (un crime raciste, un ami mafieux…), Dave Robicheaux finit par voir de vrais fantômes. Et si Tavernier se contrefout de son intrigue policière, il n’opte jamais pour l’autre piste, laissant de côté ce film d’ambiance sombre et humide qu’on aurait aimé voir. Le cul entre deux chaises, Dans la brume électrique est donc ennuyeux au possible, éclairé ça et là par d’étranges percées sépulcrales. C’est bien peu pour du cinéma, mais suffisant pour prouver que Tavernier est bien meilleur en passeur cinéphile (lire son 50 ans de cinéma américain) qu’en cinéaste fumeux.
CR