Darling – (France – 1h33) de Christine Carrière avec Marina Foïs, Océane Decaudain, Guillaume Canet …
Beau comme un camion
Seule face à la caméra, perdue au milieu de la prairie normande, une petit fille. Une voix-off commence le récit : « J’ai été faite contre un arbre. Mon père et ma mère se sont rencontrés en menant une vache au taureau…» Tout au long du film, cette voix ne nous quittera plus, elle nous contera le destin tragi-comique de Catherine Nicolle, enfant boulotte et solitaire, méprisée par une famille qui la rejette et l’humilie et dont le seul plaisir est de voir passer les camions sur la route nationale. Pour tous les routiers qu’elle orientera plus tard avec sa CB, elle s’inventera une nouvelle identité, Darling. Si le film s’inscrit dans la lignée d’un certain réalisme social propre au Nord de la France (La vie de Jésus avait ouvert la voie), il ne s’apitoie jamais sur le sort de ses personnages et, loin d’illustrer le déterminisme inhérent à ce genre d’histoire, il nous montre une jeune femme vigoureuse dont les accidents de parcours n’entament jamais sa foi en la vie même. C’est cette obstination, cette volonté farouche de placer la vie au-dessus de tout qui fait toute la beauté du film. Si le récit est sordide, Darling n’en est jamais lourd car il possède quelques passages comiques qui frôlent l’absurde et qui agissent en son sein comme de salvatrices respirations. Porter un tel personnage était un pari risqué, mais Océane Decaudain et Marina Foïs sont tout simplement parfaites. Si le tableau est sombre, et le portrait sauvage, Darling demeure toutefois un film étonnamment lumineux, un peu à la manière de l’œuvre de l’école flamande, qui savait faire ressortir de la masse noirâtre les plus beaux traits de leur sujet : Darling, c’est un peu Cosette peinte par Rembrandt.
nas/im