David Hockney : Collection de la Tate au Musée Granet
Hockney choral
Dans un entrechoc de techniques variées comme la peinture, la lithographie ou le dessin numérique, le Musée Granet met à l’honneur David Hockney à travers l’exposition d’une centaine de ses œuvres, principalement issues de la collection de la Tate à Londres. L’occasion de retracer la vie et le travail d’un artiste contemporain à la vision avant-gardiste et singulière.
Ce qui découle des œuvres présentées au sein de l’exposition David Hockney : collection de la Tate est manifestement un désir d’explorer tous les champs de l’art et ce qui pourrait en résulter. L’expérimentation est au rendez-vous, comme en témoigne la diversité des techniques et des styles. L’efficacité de l’exposition réside dans sa construction chronologique, partant des premières œuvres pour aboutir aux plus récentes, meilleure manière de rendre compte de ce qui fait l’identité de cet artiste ambivalent, qui a su d’adapter aux évolutions technologiques de son temps. Afin de replacer les œuvres dans leur contexte, l’exposition joue le rôle de biographe et propose avant tout de revenir sur le parcours d’un homme, par le biais d’archives photographiques allant de sa naissance jusqu’à aujourd’hui. Tout au long de cette rétrospective, les multiples sources d’inspiration d’Hockney sont mises à l’honneur, allant de thématiques artistiques traditionnelles telles que les natures mortes, à d’autres plus intimes, comme son homosexualité, représentée implicitement, du moins pour ses œuvres réalisées avant 1967, date à laquelle les relations entre hommes sont partiellement dépénalisées en Grande-Bretagne. Ces tableaux se présentent ainsi comme le miroir d’une époque.
Dès les années 60, l’on perçoit le refus de l’artiste de se conformer aux tendances actuelles, alors tournées vers l’abstraction. Ce qui l’intéresse avant tout, c’est de pouvoir transformer des sujets de toutes sortes (corps nus ou vases de fleurs) en objets d’art. Certaines pièces exposées semblent parfois ne pas être l’œuvre de la même personne, Hockney variant les styles et les supports. C’est ce qui lui confère — paradoxalement — une identité propre, lui qui écrit que « le style n’est qu’un outil ; rien n’interdit de jouer les pies voleuses et de picorer où l’on veut. » On retrouve également les thèmes de prédilection qui ont fait sa notoriété, entre eau qui coule et piscines inspirées de son voyage à Los Angeles en 1964, ainsi que ses doubles portraits mettant en scène ses proches — citons le célèbre My Parents, qui s’inscrit dans une lignée naturaliste et l’un des tableaux préférés du peintre.
Chaque exposition permettant de redécouvrir un artiste sous un nouvel œil, il s’agit ici d’une approche intimiste, où l’on découvre véritablement qui se cache derrière les toiles. Son travail est rythmé par ses découvertes tout au long de sa vie, mais un dénominateur commun subsiste, celui de donner à voir l’espace de différentes façons. En résulte, dès les années 80, une représentation constante de ses interprétations de la perspective, thématique qui stimule depuis toujours sa créativité : l’œuvre atypique Caribbean Tea Time (trouvant son support sur quatre panneaux pliants, rappelant les paravents orientaux) en est une illustration, démontrant un désir de se renouveler sans cesse. L’exposition permet de constater la profusion d’œuvres réalisées par Hockney au fil du temps, attaché à l’expérience visuelle du public. La série Moving Focus se donne pour objectif de surpasser le point de vue photographique, afin que le spectateur ait l’impression d’être dans un espace à trois dimensions, comme dans le réel. Selon lui, « l’œil est toujours en mouvement », induisant une multitude de perspectives, qu’il souhaite retranscrire dans ses créations.
Entre influences tant orientales qu’occidentales auxquelles l’exposition fait la part belle, un ensemble d’œuvres rassemblées dans une des sections permet de montrer l’importance pour Hockney d’autres artistes, comme Cézanne ou le plus contemporain Picasso (qui lui a donné ce goût marqué pour la multiplicité de supports artistiques). On pourrait presque attribuer son tableau hommage à Van Gogh, La Chaise et la pipe de Vincent, au peintre néerlandais lui-même, tant Hockney a su s’emparer avec habileté de l’identité picturale du maître impressionniste, pour ensuite la revisiter. Cela résume finalement l’ensemble de la carrière de cet artiste marginal, qui a puisé son inspiration dans le monde qui l’entoure et s’en est servi pour imposer sa vision personnelle, détachée de toute contrainte ou convention.
Lara Ghazal
David Hockney : Collection de la Tate : jusqu’au 28/05 au Musée Granet (Place Saint-Jean de Malte, Aix-en-Provence).
Rens. : 04 42 52 88 32 / www.museegranet-aixenprovence.fr