De l’autre côté – (Turquie/Allemagne – 2h02) de Fatih Akin avec Baki Davrak, Nursel Kose, Hanna Schygulla…
Le tourbillon de la vie
Un père alcoolique, une prostituée, un prof de fac, une militante politique turque, une étudiante allemande, une mère divorcée… Fatih Akin nous raconte une histoire touchante à travers le parcours croisé de ces six personnages entre l’Allemagne et la Turquie. Son nouvel opus ne souffre pas de l’artificialité propre à de nombreux films « choraux » (vous avez dit Babel ?) : il y a ici une cohérence, une unité narrative forte qui rend le récit très fluide alors que l’histoire qui nous est contée s’avère plutôt complexe. Le jury du dernier festival de Cannes ne s’est pas trompé en lui attribuant le prix du meilleur scénario. Alors qu’on pouvait s’attendre à des oppositions « de blocs » — Orient/Occident, homme/femme… —, c’est à l’intérieur même de la famille que les scissions s’opèrent. La rupture de ce lien fort et premier obligera chacun à chercher par la suite un parent de substitution, cette quête demeurant le véritable moteur du film. Plus que sa portée politique, c’est sa dimension humaniste et tragique qui nous émeut. Les personnages vont se chercher, se croiser sans se voir et se retrouver : la vie selon Akin est un grand manège, une sorte jeu dont nous sommes moins les acteurs que les sujets. On est « pris » dans un mouvement — l’amour, la politique — qui, loin de nous libérer, nous conduit tout droit à la mort. De l’autre côté fait ainsi peut-être plus référence à la camarde qu’à de quelconques frontières. Et si l’enchaînement des faits nous séduit, on ne peut en dire autant du jeu des acteurs, qui peinent parfois à « porter » leurs personnages. On aurait aussi aimé pouvoir profiter un peu plus longtemps de ces quelques plans fixes sur le ciel ou une route, dont la beauté nous suggère bien plus de choses qu’un long discours. Rien de grave toutefois, ces petits défauts ne rendent le film que plus touchant.
nas/im