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De prétendus sondages polluent la campagne des municipales à Marseille

France Info a publié les résultats d’un supposé sondage sans fournir d’explications sur l’institut qui l’a réalisé. La commission des sondages, qui veille au respect des règles de diffusion de ces enquêtes pré-électorales, doute de son existence. Le cas n’est pas isolé et illustre la sensibilité du sujet, à vingt jours du premier tour.

 

Quelques chiffres alignés au téléphone, par SMS ou sur un réseau social. Pendant tout le mois de février, de mystérieux sondages sur les municipales à Marseille ont fait leur apparition dans les conversations. La rédaction de Marsactu a elle-même été destinataire de plusieurs versions, distillées par des sources plus ou moins proches des candidats (voir notre encadré « Qui vous dit les coulisses » en fin d’article au sujet de notre traitement journalistique des sondages). Cette agitation habituelle des campagnes électorales a connu ces derniers jours un point culminant, avec la publication par France Info des résultats d’une supposée enquête d’opinion « qui circule sous le manteau ».

Diffusés ce lundi à l’antenne lors du « Brief politique » et mis en ligne sur le site internet France TV Info, les chiffres étaient attribués au renseignement territorial, les anciens RG. Autrement dit au ministère de l’Intérieur. De quoi donner une coloration particulière au scénario allégué, à savoir une déconfiture du candidat soutenu par la République en marche… Il n’aura fallu que quelques heures au préfet et au préfet de police pour adresser un démenti ferme : « Les services du renseignement territorial ne sont plus chargés du suivi de l’activité des partis politiques depuis 1994 et n’effectuent ni de sondage ni de prévision électorale depuis 2004 », atteste leur communiqué commun.

 

« Aucun élément n’atteste qu’il y ait bien un sondage. »

La commission des sondages

 

Contactée par Marsactu, la commission des sondages considère même « qu’aucun élément n’atteste qu’il y ait bien un sondage ». Cet organisme est chargé par la loi de veiller au respect de règles élémentaires dans la manière dont les sondages électoraux sont réalisés et diffusés. En général, avant toute diffusion, les instituts déposent auprès d’elle les « notices » — sortes de fiches techniques — des sondages réalisés. Lundi, son secrétaire général nous indiquait être en attente de précisions de la part de France Info sur la source du supposé sondage, ou à défaut d’un rectificatif. Ce que la chaîne a fini par faire en fin d’après-midi, en modifiant jusqu’au titre de l’article. « Ces chiffres sont nuls et non avenus », conclut son erratum.

Dans un premier temps, seule la mention de la source avait été discrètement retirée. Cette correction ne suffisait pas à mettre l’article en conformité avec la loi. Celle-ci exige notamment que soit indiqué le nom de l’institut, le nombre de personnes interrogées et la date de réalisation. Sollicitée par mail, la journaliste de France Info n’est pas revenue vers nous.

 

Un autre « sondage » publié par Philippe Pujol

Les mêmes informations font défaut à une publication de Philippe Pujol, partagée 200 fois sur Facebook. L’ancien journaliste de La Marseillaise et écrivain attribue les chiffres qu’il diffuse à des enquêtes commandées par la candidate LR Martine Vassal. Contactée, l’équipe de campagne de Martine Vassal n’a pas confirmé en être à l’origine. Si elle n’émane pas directement d’un média — elle a toutefois été relayée par Go’met, qui a ensuite procédé au retrait de l’article —, cette publication tombe toutefois sous le coup de la commission des sondages ainsi que de la loi dite « fake news ». Un candidat et même le procureur qui jugerait qu’elle est « de nature à altérer la sincérité du scrutin » pourrait en demander le retrait en référé, c’est-à-dire avec une décision de justice dans les 48 heures.

 

 

Trois sondages ont été publiés depuis la rentrée contre huit en 2014 à la même date.

 

Si ces quelques pourcentages acquièrent un statut précieux pour certains, c’est aussi que ces municipales 2020 ont fait l’objet de la diffusion publique d’un nombre réduit de sondages. À vingt jours du premier tour, la dernière publication en bonne et due forme date de mi-janvier, la précédente de novembre, soit avant la désignation des têtes de liste Les Républicains, LREM et Printemps marseillais. À la même époque en 2014, on recensait déjà huit enquêtes, dont trois sur un secteur précis.

Traditionnellement, les sondages commandés par les candidats sont une des sources qui abreuvent la campagne, même si le choix s’offre à eux de les diffuser ou de les garder pour eux. Ainsi, en juillet 2019, trois jours avant son meeting au Silo, Martine Vassal avait transmis à La Provence les résultats d’une enquête financée par son association. De même, en novembre, son parti Les Républicains avait fait connaître les résultats de l’enquête réalisée afin d’aider à départager les deux prétendants à l’investiture, Martine Vassal et Bruno Gilles.

Mais depuis, cette source s’est tarie, alimentant les interprétations sur de supposées enquêtes non publiées. Quant aux médias, ils n’ont pas pris la relève. L’absence de fiabilité des chiffres de 2014 — le candidat socialiste a réalisé la moitié du score régulièrement annoncé — a-t-elle échaudé les commanditaires classiques ? Pour l’heure, la presse nationale n’a pas « investi » sur Marseille. La Provence proposera tout de même début mars un sondage général et plusieurs sondages sur des secteurs. De quoi rétablir un minimum de professionnalisme dans la diffusion de ces enquêtes d’opinion, sans pour autant offrir une prédiction garantie du scrutin à venir.

 

Julien Vinzent

 


Des conditions de diffusion encadrées

La loi prévoit précisément les informations qui doivent accompagner la diffusion des résultats d’un sondage électoral : 1) Le nom de l’organisme ayant réalisé le sondage ; 2) Le nom et la qualité du commanditaire du sondage ou de la partie du sondage, ainsi que ceux de l’acheteur s’il est différent ; 3) Le nombre de personnes interrogées ; 4) La ou les dates auxquelles il a été procédé aux interrogations ; 5) Le texte intégral de la ou des questions posées ; 6) Une mention précisant que tout sondage est affecté de marges d’erreur ; 7) Les marges d’erreur des résultats publiés ou diffusés, le cas échéant par référence à la méthode aléatoire ; 8) Une mention indiquant le droit de toute personne à consulter la notice prévue à l’article 3.

 


Qui vous dit les coulisses ?

Marsactu a fait le choix de ne pas diffuser et commenter les résultats des sondages électoraux, a fortiori de ne pas en commander. Nous considérons en effet que de multiples biais affectent ces enquêtes d’opinion et que notre rôle en tant que média n’est pas d’accompagner ces chiffres qui rythment la campagne mais de proposer des enquêtes, reportages et analyses sur les candidats, leurs programmes, leurs équipes… En revanche, il peut arriver que nous mentionnions les sondages pour le rôle politique qu’ils peuvent jouer, comme lors de l’investiture LR ou du choix de l’autonomie par EELV.