La scène se passe quelque part en France, un mardi comme tant d’autres depuis quelques semaines : assis bien sagement — comme on leur a toujours dit de le faire, à la différence près que cette fois ce n’est pas devant la télé —, des étudiants réclament leur dû. Le retrait du CPE ? Oui, forcément : pas besoin de sortir de Saint-Cyr pour mesurer l’injustice… (lire la suite)
Des câlins et des bisous !
La scène se passe quelque part en France, un mardi comme tant d’autres depuis quelques semaines : assis bien sagement — comme on leur a toujours dit de le faire, à la différence près que cette fois ce n’est pas devant la télé —, des étudiants réclament leur dû. Le retrait du CPE ? Oui, forcément : pas besoin de sortir de Saint-Cyr pour mesurer l’injustice de cet énième chapitre de la très mal nommée « Loi sur l’égalité des chances »[1] ! Mais pas que. Bouquets champêtres à la main, nos jeunes demandent aussi — surtout — « des câlins et des bisous ! » Leur désir est si simple, si touchant : vivre dans une société moins violente. Redonner un sens à la devise républicaine, notamment à la fraternité, cette notion que certains de leurs petits « camarades », qui réclament la réouverture des facs entourés de bourgeoises à serre-tête (sont-ils si pressés que ça de faire comme papa-maman ?), ne semblent même pas connaître… Face à eux, des CRS. Les Compagnies Républicaines de Sécurité[2]. Manifestement, à ce moment précis, ladite sécurité est en danger. Sinon, comment justifier cette charge soudaine contre des manifestants aux allures de Bisounours ? Sinon, comment expliquer le coma dans lequel est encore plongé Cyril, ce syndicaliste piétiné par les « forces de l’ordre » parce qu’il se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment et que — circonstance aggravante (sic) — il était ivre ? Sinon, quel sens donner à la brutale intervention de policiers, jeudi dernier à Castellane, face à des jeunes aux slogans hautement subversifs (« Etudiants non violents », « CRS avec nous »…) ? Cruel, amer constat : la matraque — ce symbole « frappant » de la violence économique qui règne en Occident — s’abat désormais sur nos enfants, pourtant en légitime désamour avec la société. L’espoir fait vivre ? Alors espérons ! Espérons que ce mouvement spontané et pacifiste débouche sur autre chose qu’un pathétique « Ce n’est pas la rue qui gouverne ! » : un pays dont la politique ne serait pas confisquée par une caste prétentieuse et soumise aux lois du marché, une vraie démocratie, plus participative, plus joyeuse, plus intelligente. Espérons que nos concitoyens — à commencer par leurs représentants politiques — comprennent enfin que la force de notre pays n’est pas dans ce gourdin devenu l’unique instrument de dialogue social, mais bien dans les bras ouverts et les mains tendues de ces gamins qui réclament des câlins.
Texte : CC
Photo : Karim Grandi-Baupain
Notes
[1] Comme son grand frère le détestable CNE, le CPE est présenté par le gouvernement comme la panacée en matière d’emploi, alors qu’ici, il ne s’agit pas d’emploi, mais de flexibilité du travail, autrement dit de précarisation.
[2] Rien qu’à entendre ça, il y en a un qui doit mouiller son pantalon…