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Des experts judiciaires pointent de nouveaux risques d’effondrement rue d’Aubagne

Dans un courrier que Marsactu a pu consulter, les deux experts qui interviennent dans l’information judiciaire ouverte sur les effondrements de la rue d’Aubagne interpellent le juge sur un risque élevé de nouveaux effondrements. La Ville a été saisie de ce signalement. Pour elle, « tout risque d’atteinte à la sécurité des personnes » est levé.

 

L’enjeu

Un nouveau drame peut-il avoir lieu rue d’Aubagne ? L’alerte en ce sens des deux experts a atterri sur le bureau de Jean-Claude Gaudin.

 

Le contexte

Depuis les effondrements de trois immeubles, un périmètre de sécurité bloque toujours le haut de la rue d’Aubagne. La Ville a autorisé des personnes délogées à rentrer chez elles.

 

Le risque d’effondrement d’immeubles persiste-t-il autour du trou de la rue d’Aubagne, là où, il y a presque un an, s’effondraient les n° 63, 65 puis 67 ? À en lire un courrier rédigé en mars dernier par deux experts près la cour d’appel de Paris que Marsactu a pu consulter, ce risque existe. Il est même qualifié d’élevé, en mars dernier. Extrait :

« Nous estimons qu’il est de notre devoir de vous signaler les risques existant autour des terrains des anciens immeubles 63, 65, et 67 rue d’Aubagne, à Marseille ». (…) L’effondrement d’un immeuble proche ou du mur de fond de parcelles, (…) pourrait être brutal et sans préavis. »

 

Ces deux experts, Fabrice Mazaud et Henri de Lépinay, ont été commis par les trois juges d’instruction chargés de l’information judiciaire sur les effondrements de la rue d’Aubagne, le 7 mars dernier. Leur mission est de déterminer « l’origine exacte des effondrements et ce qui les a déclenchés. »

Quelques jours à peine après avoir reçu leur lettre de mission, les deux experts prennent déjà la plume. L’objet de leur inquiétude tient aux conclusions du rapport de synthèse du collège d’experts missionné par la Ville de Marseille suite aux effondrements des immeubles.

Les deux experts parisiens en partagent les préconisations. Mais ce rapport, qui a été rendu public quelques jours plus tôt, a aussi servi de base pour plusieurs réintégrations. « En revanche, nous restons circonspects quant aux conclusions qui pourraient être tirées de certains avis qui sont formulés », écrivent-ils ensuite. Pour ces experts judiciaires, le risque existe. Comme ils l’expliquent doctement, celui-là est la combinaison d’un « aléa » — en l’espèce la probabilité d’effondrement d’un immeuble voisin ou du mur de soutènement de fond de parcelles — et d’un « enjeu ». Pour eux, l’aléa est « peut-être faible ».

« En revanche l’enjeu est important, insistent-ils. Des personnes présentes sur la rue d’Aubagne ou dans des immeubles proches pourraient subir des blessures voire être tuées. » C’est cette combinaison de l’aléa et de l’enjeu qui constitue « un risque élevé ». Les deux experts ajoutent un critère un peu plus baroque à leur combinaison : « l’acceptabilité ».

« En l’état, un nouvel effondrement surtout s’il devait être accompagné d’accidents de personnes ne serait pas accepté par les populations et les médias. »

En appui à leur argumentation, ils pointent notamment un paragraphe qui a permis la réintégration d’une partie des immeubles de la rue :

 

 

Extrait de la page 25 du rapport du collège d’experts sur la rue d’Aubagne.

 

 

Ils mettent en cause les points de mesures qui doivent permettre d’évaluer le mouvement des immeubles autour du trou de la rue d’Aubagne. « Ils restent par définition ponctuels. En outre et notamment dans le cas présent, ils ne peuvent révéler, sauf brutalement, les efforts qui se diffusent progressivement dans les ouvrages », écrivent-il encore.

Ils rappellent également que les immeubles de cette rue reposent les uns sur les autres : « Ils ne doivent leur stabilité qu’au maintien du voisin. » Or, dans le cas d’espèce, « le voisin a disparu. » Fabrice Mazaud et Henri de Lépinay soulignent un risque d’infiltration d’eaux par l’arrière entraînant « des pressions hydrostatiques non maîtrisées ». En effet, à cet endroit, un mur sépare le trou laissé par les effondrements de jardins rattachés à des immeubles du cours Lieutaud. Les terres gorgées d’eau peuvent donc exercer une pression sur ce mur.

En conclusion, les experts recommandent « des mesures de précaution », notamment des dispositifs de « butonnage ». Ce terme technique désigne des équerres qui renforcent chacun des murs. Ils demandent également s’ils doivent exercer le même signalement à « d’autres autorités », notamment municipales.

Ce signalement sera transmis à la Ville par le parquet de Marseille le 18 mars. Le maire finit par y répondre le 29 mai. Il fournit en pièce jointe « les annexes au rapport » que les experts n’avaient pu consulter. Il annonce également avoir décidé de « missionner à nouveau un collège d’experts afin de déterminer les mesures appropriées à prendre. »

Dans le même courrier, le maire se veut rassurant :

« Je suis en mesure de vous assurer d’une part que les immeubles concernés sont vides de toute occupation et qu’aucune réintégration n’est intervenue depuis leur évacuation et d’autre part que le périmètre de sécurité installé et maintenu autour de la zone considérée est de nature à lever tout risque d’atteinte à la sécurité des personnes. »

Effectivement, le retour des habitants des rues d’Aubagne et Jean-Roque n’a été que partiel, comme le précise la carte présentée dans le rapport du collège d’experts missionné par la Ville.

 

Carte du périmètre présentée dans le rapport du collège d’experts.

 

En revanche, la circulation des piétons est de nouveau admise d’un côté de la rue d’Aubagne. En cas d’effondrement, le risque est donc présent. Même si la mise en place d’une surveillance électronique en continu du périmètre doit permettre de « détecter une évolution suffisamment tôt pour qu’une intervention soit décidée », pense-t-on du côté des services de l’État qui suivent de très près la sécurité du site. De la même façon, ils écartent la mise en place d’un renforcement permanent des parois du fait de la faiblesse du sol à cet endroit. En revanche, pour l’heure, personne à la Ville n’a pu nous confirmer qu’une nouvelle réunion du collège d’experts avait permis d’écarter durablement les inquiétudes de leurs confrères parisiens.

 

Benoît Gilles