Des nouvelles… de Grand Bonheur
Cumulant les casquettes — production, pépinière d’artistes, label, accompagnement et organisation d’événements musicaux —, la coopérative Grand Bonheur porte notamment le célèbre festival Avec Le Temps, dédié à la chanson. Malgré la fin prématurée de l’édition 2020 et l’annulation de nombreux concerts d’envergure et autres tournées de leurs artistes, Grand Bonheur a mis à profit l’arrêt de ses activités de diffusion. En particulier en sortant de très jolis albums, dont la deuxième compilation du label IN/EX, Lessismore, orchestrée par Martin Mey, ou l’album hommage à Lou Reed né de la collaboration de Fred Nevché et French 79. Dans l’attente impatiente des annonces de programmation d’Avec Le Temps, nous faisons le point avec François Gautreau, chargé de la communication et du label.
À quoi aurait ressemblé l’année 2020 de votre structure sans la crise sanitaire ?
D’un point de vue très pragmatique, plus de soixante concerts à Marseille et environs (dont IAM, Yan Tiersen, John Butler Trio…), plus de deux-cent dates de concerts un peu partout en France et ailleurs, de magnifiques tournées internationales avec French 79, Teto Preto, Kokoko! … des actions éducatives et artistiques dans notre territoire avec Iraka, Martin Mey et les artistes du Chantier des Francos de La Rochelle, des nouvelles créations : Fred Nevché, Dario Della Noce, MadMadMad… et des soirées à partager.
Sur un plan plus émotionnel, à des milliers de souvenirs collectifs qui seraient certainement nés des évènements évoqués qui, pour certains tout de même, seront reportés, en tout cas on l’espère encore fermement.
Suite à l’arrêt brutal de vos activités provoqué par le premier confinement, avez-vous pu compter sur des soutiens physiques, psychologiques, financiers ?
On a beaucoup échangé en interne, on était déjà largement fédérés au sein de la filière au-delà du principe même de coopérative, donc on n’a guère eu le choix que de rester concernés et motivés, et de dessiner des perspectives les plus réjouissantes possibles. On a aussi pu compter grandement sur l’équipe qui a bossé d’arrache-pied sur tous les dispositifs d’aides possibles, ce qui constitue un boulot considérable. On a d’ailleurs été plutôt bien soutenu jusqu’ici, ce qui nous permet pour l’instant de conserver tout le monde, de répondre aux questions des dizaines d’artistes et d’intermittents avec lesquels on travaille toute l’année, bref d’agir plutôt que de subir.
Avez-vous eu la possibilité de vous réorganiser, voire de vous réinventer, afin de pouvoir profiter un minimum des quelques mois de répit partiel qui ont précédé cette nouvelle épreuve ?
Globalement, je pense que oui, même si la frustration nait forcément de s’être investis grandement dans des projets pour pallier les contraintes, les reports, le couvre-feu, etc., jusqu’à voir tout s’évanouir à nouveau ou presque avec ce deuxième confinement. Les meilleurs exemples sont certainement French 79 et Fred Nevché, qui avaient des dates de concert debout, annulées logiquement, et qui ont fait émerger un projet d’hommage à Lou Reed sur lequel ils avaient commencé à travailler il y a quelques temps. Toute l’équipe s’est arrachée afin de monter une magnifique tournée et une sortie d’album du projet en quelques semaines, avant d’apprendre un nouveau confinement à peine quelques heures après la première de création dans un Aéronef complet, à Lille. Tout n’est pas perdu, loin de là, mais c’est forcément frustrant pour les équipes.
Quelles sont vos attentes quant à la considération de l’État pour le milieu culturel face à cette crise sanitaire ?
Nos attentes tiennent à contribuer au recensement de la manière la plus efficace possible des besoins de la filière grâce au travail des différentes fédérations et syndicats, et notamment le SMA (Syndicat des musiques actuelles) qui fait un travail remarquable. Tout cela afin de proposer directement au CNM, à la ministre, au gouvernement et aux députés concernés, des idées très concrètes pour soutenir le secteur. Et c’est en soi un travail qui mobilise beaucoup, car il y a des enjeux colossaux pour préserver la richesse et la diversité de la production nationale.
Arrivez-vous à trouver un quelconque aspect positif, qu’il soit personnel, organisationnel ou communautaire, à toutes les difficultés engendrées par ces handicaps répétitifs ?
On arrive à en trouver beaucoup, heureusement. Du temps de création pour les artistes qui le souhaitent, du temps pour faire émerger de nouveaux projets, de la création phonographique en gestation, des méthodes de travail dont certaines contraintes peuvent aussi devenir des bons ingrédients à cultiver, le ressenti d’une filière de production live et phonographique indépendante qui se fédère plutôt bien pour se faire entendre des diverses instances… On a par ailleurs produit la deuxième compilation du label en plein confinement. Il s’agit d’un travail autour du minimalisme orchestré par Martin Mey avec une dizaine d’artistes qui gravitent autour de la coopérative, disponible sur les plateformes depuis un mois. Profitant d’un peu de temps de cerveau disponible, on a mis sur pied un podcast dévoilant l’envers de la production de cet album si singulier, qu’on sortira d’ici quelques jours. Et comme l’idée a reçu un bel accueil, on travaille déjà avec des salles de la région pour faire en sorte que cet album et ce podcast aient un écho inédit en live début 2021, entre session d’écoute radiophonique et live « covid compatible ». C’est une belle satisfaction collective, qui n’aurait assurément pas pu naitre sans toutes les contraintes qu’on connait…
Quelles sont vos perspectives d’avenir ?
Nos perspectives à moyen terme sont très concrètement le vingt-troisième festival Avec le Temps, dont on annoncera l’essentiel de la programmation en décembre à l’occasion d’une conférence de presse, là aussi sous un format différent qu’on dévoilera sous peu. On s’est fait dérober la moitié du vingt-deuxième qui devait durer tout le mois de mars dernier, on n’a aucune envie que quoi que ce soit nous empêche de lever le voile sur le prochain !
Propos recueillie par la rédaction
Pour en (sa)voir plus : https://grandbonheur.org/