Des nouvelles… de la Cité des Arts de la Rue
Comme pour beaucoup des forces vives de la culture, l’année 2020 de la Cité des Arts de la Rue aura hélas vu rimer créations avec annulations. Forcément inquiète quant à un avenir toujours plus incertain, l’Association pour la Cité des Arts de la Rue, qui regroupe une dizaine de structures, se dit néanmoins prête à « panser les plaies que cette crise sanitaire aura causées sur le corps social. »
À quoi aurait ressemblé l’année 2020 de votre structure sans la crise sanitaire ?
À côté du travail de fabrique artistique mené par la dizaine de structures qui occupent le site, 2020 devait être une étape de plus dans l’ouverture de la Cité des Arts de la Rue aux publics.
La dix-septième édition de Petit Art Petit, le Temps de la Danse imaginé par Ex Nihilo, Bivouac, spectacle emblématique de Générik Vapeur, Le Saut de la rivière, création confiée à la compagnie Kubilai Khan par Lieux Publics… toutes ces propositions ont dû être reportées, tronquées ou tout simplement annulées. Pour la seule compagnie Générik Vapeur, devaient se succéder reprises de la création 2019 franco-britannique Merci de votre accueil – Thank you for having us (vingt artistes et techniciens), tournées de plusieurs spectacles du répertoire notamment en Pologne (Malta Festival en septembre), en Corée du Sud (Seoul Street Festival), ou encore à Bogota avec la compagnie Tchyminigagua pour l’évènement Invasion Cultural ; mais aussi la participation à des événements citoyens sur Marseille (la Folle Histoire de Fous, le Festival du dessin de presse et de la caricature de l’Estaque)…
Suite à l’arrêt brutal de vos activités provoqué par le premier confinement, avez-vous pu compter sur des soutiens physiques, psychologiques, financiers ?
Les collectivités ont répondu présentes, notamment par le traitement rapide des dossiers de subvention. Les équipes administratives et en particulier celles des compagnies, ont sollicité les soutiens financiers annoncés par l’exécutif pour chaque contrat annulé ou reporté, obtenir le chômage partiel, les dédommagements et dédits. Soit des heures de démarches pour sauver l’équilibre pour chacune des équipes, salariés permanents et intermittents privés de contrats.
Ces mesures ont permis aux structures de la Cité de passer le cap de ce premier confinement. Mais l’inquiétude pèse sur la suite. Les structures qui fonctionnent au projet sont les plus directement exposées. Elles en viennent à envisager l’arrêt de certaines activités importantes pour le quartier, comme les ateliers de transmission et d’improvisation théâtrale du collectif Gena.
Côté psychologique, chacun gère comme il peut. Il y a aussi eu des élans de solidarité, comme l’opération collective Soli-Cité (distribution alimentaire, de jouets, de fanzines…). Cette solidarité pour les habitants des cités populaires nous a permis de nous retrouver à travers une action qui semblait utile. Malgré le confinement, nous restions dans la rencontre et le partage. Aider les autres, c’est un peu se panser soi-même.
Le second confinement est plus dur à affronter psychologiquement. Cette nouvelle période a créé pour beaucoup une fragilité sur le sens du travail artistique, indissociable pour un artiste de sa vie.
Avez-vous eu la possibilité de vous réorganiser, voire de vous réinventer, afin de pouvoir profiter un minimum des quelques mois de répit partiel qui ont précédé cette nouvelle épreuve ?
Au sortir du premier confinement, Générik Vapeur a imaginé un événement collectif à la Cité des Arts de la Rue, 360 degrés. Un événement rassemblant des artistes complices à qui carte blanche était donnée. Le public était emmené par petits groupes dans une traversée poétique de différents espaces. Les directeurs artistiques de la compagnie pointent cependant les limites de l’injonction de « réinventer dans un contexte morbide ».
Du côté des actions culturelles, une partie des projets qui devaient se tenir au moment du premier confinement a été reportée pendant l’été 2020. Aujourd’hui, nous mettons en place des outils numériques pour réaliser sous une autre forme certains projets. Par exemple, le projet entre les habitants des Aygalades et Lézarap’Art par la création d’un blog.
Quelles sont vos attentes quant à la considération de l’État pour le milieu culturel face à cette crise sanitaire ?
Les attentes sont énormes d’autant qu’il subsiste de nombreux malentendus. Les structures culturelles auraient été capables de réaliser une majorité de projets avec les protocoles sanitaires renforcés. Au lieu de cela, le second confinement a mis à l’écart les pratiques et les lieux culturels, les théâtres, les commerces de proximité, librairies, bibliothèques, cinémas…
Nous aurions aimé être consultés pour nos savoir-faire quant aux déplacements de personnes dans l’espace public. Au lieu de cela, l’espace public est soumis à des restrictions plus drastiques encore que les lieux fermés, ce qui est paradoxal.
L’État et les collectivités locales pourront compter sur les acteurs culturels pour panser les plaies que cette crise sanitaire aura causées sur le corps social. La distance qui s’est imposée dans nos relations, la réduction des rencontres atteint notre capacité d’empathie et de compréhension de l’autre. Les actions éducatives sont une réponse, mais les adultes aussi ont besoin de rencontres et l’art peut en être le médium. C’est un outil pour réparer les dégâts de cette crise.
Arrivez-vous à trouver un quelconque aspect positif, qu’il soit personnel, organisationnel ou communautaire, à toutes les difficultés engendrées par ces handicaps répétitifs ?
Cette période entraine beaucoup d’échanges, d’écrits, d’analyses, de visioconférences entre professionnels, entre pratiquants de la culture et leurs représentants, de sollicitation des responsables, voire de certains politiques. La résistance et l’endurance dont fait preuve le milieu artistique et culturel est exemplaire.
Au-delà de notre sphère professionnelle, cette période a aussi créé de nouvelles solidarités atypiques, de nouvelles empathies entre groupes sociaux qui s’ignoraient jusque-là.
Quel est votre sentiment par rapport à ce deuxième confinement ? Quelles sont vos perspectives d’avenir ?
Malgré un sentiment d’horizon bouché, les équipes cherchent des alternatives pour se projeter.
La Cité continuera sa dynamique d’ouverture aux publics. Nous sommes passés de 2000 personnes accueillies par an jusqu’en 2017 à plus de 12 000 aujourd’hui et souhaitons inscrire de nouveaux rendez-vous dans le paysage culturel marseillais : programmation des compagnies accueillies en résidence, présence d’artistes muralistes (le Mur du Fond), marché, conférences et convivialité lors des Dimanches aux Aygalades, cinéma de plein air (Tilt/Sud Side), portes ouvertes…
Avez-vous mis en place des mesures spéciales pour garder le lien avec vos spectateurs pendant ce reconfinement ?
Nous communiquons via le site web, les réseaux sociaux, les newsletters sur ce que font les structures de la Cité dans cette période et chaque structure est en lien avec ses publics. Par les témoignages de soutien, nous savons qu’ils répondront présents au premier signe.
Propos recueillis par la rédaction
Pour en (sa)voir plus : https://www.lacitedesartsdelarue.net