Des nouvelles… de la Gare de Coustellet
L’association A.V.E.C. déborde d’ambition(s). Dans l’enceinte de la Gare de Coustellet, dans le Vaucluse, l’arrêt des concerts ne rime absolument pas avec cessation d’activités. Ancrée et inclusive dans le territoire, l’association « éducative et culturelle » multiplie ses secteurs d’action, et propose accompagnement d’artistes, formations, rencontres, tremplins et réflexions thématiques, en plus de ses activités de diffusion. Désireux de ne pas perdre le lien avec les habitants, les membres de cette structure maintiennent des activités numériques et rendez-vous en ligne, et sont même en cours d’élaboration d’une web TV. Réponses à plusieurs mains de ces organisateurs aux grands cœurs.
À quoi aurait ressemblé l’année 2020 de votre structure sans la crise sanitaire ?
Pour nous resituer brièvement, la Gare de Coustellet est un lieu pluriel, un « espace de curiosités artistiques, culturelles et citoyennes ». Avec un projet associatif foisonnant, à plusieurs entrées, qui peut sembler un peu nébuleux parfois et c’est assumé ! Nous partons du principe que tout ne rentre pas dans des cases, l’objet étant de favoriser la rencontre, l’échange, le faire ensemble, pour donner vie à des besoins, à des projets, à des envies (artistiques, culturelles, sociales) dans notre localité et au-delà à travers un travail en réseaux (départementaux, régionaux, nationaux). D’où le nom de notre association : A.V.E.C (Animation Vauclusienne Éducative et Culturelle). À l’image donc de notre projet « multisectoriel » et à travers nos pôles d’activités « musiques actuelles » et « jeunes & familles », l’année 2020 s’annonçait bien remplie, pleine de rendez-vous « in situ » et à l’extérieur. Une année faite de concerts hebdomadaires, de résidences d’artistes et d’accompagnement tous les mois, de rencontres avec des musiciens professionnels et amateurs, des associations locales, de tremplins musicaux (Musika Jump et Elektro Jump) et aussi d’activités chaque semaine, ainsi que de séjours pour les jeunes, de cafés thématiques (musique(s), parentalité…). Sans oublier nos ateliers numériques « pour débuter », les interventions éducatives, l’accueil et l’information dans notre centre de ressources et le fonctionnement du bar de l’association ouvert, aussi, les dimanches matin lors du marché paysan…
Bref, un agenda bien fourni, sur les rails, porté par notre drôle de machine à mille et une vapeur et qui ronronnait presque, quand soudain… Paf le virus !
Suite à l’arrêt brutal de vos activités provoqué par le premier confinement, avez-vous pu compter sur des soutiens physiques, psychologiques, financiers ?
À la suite du premier confinement, nous étions dans une totale inconnue quant au positionnement de nos tutelles et au maintien ou non des soutiens financiers liés à nos conventions. Nous avons donc pris nos décisions financières pour protéger nos salariés, assurer nos engagements, et orienter les actions à mener, dans une grande incertitude.
Depuis juillet, les marques d’engagement sont arrivées les unes après les autres, et à l’approche du second confinement, nous étions garantis du soutien de l’ensemble de nos partenaires financiers, avec le maintien de nos subventions de fonctionnement.
Cela nous a confortés dans les décisions prises au printemps de garantir les salaires de l’équipe à 100 % et la majeure partie des engagements pris envers les artistes, techniciens et un grand nombre de fournisseurs (paiement de concerts annulés et participation solidaire auprès des productions pour compenser le différentiel avec le chômage partiel, maintien des frais de communication, etc.).
Le soutien et le maintien des aides engagées pour l’année 2020 de nos partenaires et financeurs publics nous permettent de continuer à travailler maintenant et demain à la réalisation de projets pour le développement du lien social, d’une dynamique socio-culturelle et artistique sur le territoire. Ceci est, très malheureusement, bien loin d’être le cas pour trop grand nombre d’acteurs dans le secteur social et culturel.
Avez-vous eu la possibilité de vous réorganiser, voire de vous réinventer, afin de pouvoir profiter un minimum des quelques mois de répit partiel qui ont précédé cette nouvelle épreuve ?
À la sortie du premier confinement, l’instant a été au « faire », pour redonner du sens à nos métiers et à nos projets. Notre activité est restée fortement dégradée, avec des contraintes bridant toute l’humanité du spectacle vivant. Il nous a fallu adapter plutôt qu’innover. La perspective d’un deuxième confinement planait, et nous installait dans une situation instable durant laquelle nous avons subi plutôt que construit.
Quelles sont vos attentes quant à la considération de l’État pour le milieu culturel face à cette crise sanitaire ?
Malgré des financements importants venant nous accompagner dans ces périodes, nous déplorons un manque de reconnaissance de ce qui fait culture et de ceux qui font la culture. Nous sommes dans l’attente de pouvoir partager nos savoir-faire, nos pratiques, dans le cadre de concertations pour inventer ensemble des protocoles permettant une reprise notamment des concerts debout.
Quel est votre sentiment par rapport à ce deuxième confinement ? Quelles sont vos perspectives d’avenir ?
Le premier confinement a été celui d’une gestion de la crise. Et puis les quelques mois qui ont suivi ont été ceux de la course en avant.
À l’approche du second confinement, nous avons réalisé que de toutes les incertitudes subies depuis huit mois, restait une grande certitude : notre immense énergie pour réinventer, chaque semaine, expérimenter, tester, changer les formes d’évènements, repenser le contact et l’accueil du public et des habitants, repenser aussi nos montages financiers et nos façons de travailler en collectif (équipe, bénévoles, administrateurs et habitants) alors que nous sommes séparés et ainsi être capable de faire face à l’incertitude sans baisser les bras.
C’était une rentrée de septembre « chamboule tout » que nous avons prise à bras le corps.
Forts de tout cela, nous avons décidé de profiter de cette « sortie de route » plutôt que de la subir, et avons fait le choix délibéré de ne pas reprendre nos routines de travail, pendant et après ce second confinement, mais de nous lancer dans une réécriture en profondeur du projet. C’est un chantier audacieux, qui s’expérimentera pas à pas dans les prochains mois, et acceptera de faire face à des réussites et des échecs, pour dessiner une nouvelle architecture de notre projet… Et nous permettre, nous l’espérons, de sortir plus forts, plus combatifs, grandis, et soudés. Place au saut… quitte à ce qu’il y ait du vide !
Avez-vous mis en place des mesures spéciales pour garder le lien avec vos spectateurs pendant ce reconfinement ?
Avec les spectateurs et plus largement avec les habitant.e.s, les jeunes, les bénévoles, les adhérents, les administrateurs.trices, sans oublier les partenaires et acteurs du territoire, celles et ceux qui donnent vie et sens à ce projet associatif fondé sur le lien social, la rencontre, la convivialité. Nous nous sommes tournés vers des supports numériques, en expérimentant des formes durant le premier confinement (cafés musique(s) des confins version radiophonique, café des parents en visioconférence, animations, quizz et interactions avec les jeunes via les réseaux sociaux, appel à expression, apéros visio…), afin de garder une zone de contact essentielle pour maintenir du lien, se donner des nouvelles et se projeter ensemble vers demain. Pour le deuxième, une web tv est en cours d’expérimentation et des temps d’ouverture sur rendez-vous pour l’accès aux droits et démarches administratives sont aussi possibles. Nous tentons de penser cette boîte à outils numériques dans une logique durable afin de pouvoir les utiliser « hors confinement » en complément des actions de terrain en prise directe avec les habitant.e.s. Au-delà de ce lien, il était aussi très important pour notre fonctionnement interne autour de projets collectifs de préciser une autre organisation de travail et de trouver un équilibre entre des temps de travail d’équipe en direct au bureau (par petit groupe) et une continuité d’activité professionnelle à la maison. Et oui, force est de constater, bien heureusement, que rien ne remplace le lien direct et la chaleur humaine !
Nous ne pouvons qu’admettre que la pandémie a accéléré l’avènement du numérique, jusqu’à mettre entre parenthèse « le vivant dans le spectacle » (concerts en ligne avec billetterie…).
Quel « après » voulons-nous ? Tout un écosystème culturel est en danger, et nous n’avons pas encore mesuré l’impact de cette déshumanisation de la culture et de la société en général.
À l’heure des droits culturels, peut-on imposer à chacun ce qui est essentiel ou non essentiel ?
Propos recueillis par la rédaction
Pour en (sa)voir plus : https://aveclagare.org/